Akasha ne répond pas que l’époque actuelle est aussi celle du bio et du retour au naturel, que les produits destinés aux Noirs sont parmi les plus toxiques. Elle tait ce qu’elle sait de l’origine du défrisage, ne dit pas non plus que le port du cheveu dénaturé est majoritaire chez les femmes d’ascendance subsaharienne, ce qu’on observe dans aucun autre groupe ethnique, que l’argument de la liberté individuelle lui semble spécieux, si on se sent libre qu’en se travestissant. Les chœurs d’une chanson de Pascal Vellot s’élèvent : attitid an nou ké sové nou - (c’est notre attitude qui nous sauvera). Plus personne ne parle. C’est un samedi ordinaire, dans un petit salon de coiffure du 10e arrondissement de Paris. Chacune se replie sur elle-même. La longue peine des radiées de la douceur ne touche pas encore à sa fin. Ce n’est plus, elles le savent, en rapport avec les spirales rêches qui leur poussent sur le crâne. La douleur est celle de déchirures intérieures, d’écartèlements, de difficiles remembrements. page 48
Jamais il ne s’était senti suffisamment fort, suffisamment homme, donc, pour être à la hauteur du courage maternel. Il lui arrivait, puisqu’il se pensait malade, déréglé quelque part, de se dire que son problème venait de là. Il ne sentait digne d’aucune femme. En chacune, il revoyait cette mère : dépourvue de tout, solide, néanmoins. Elle ne se plaignait jamais. Lorsque les épreuves et la solitude l’écrasaient trop, elle faisait brûler de l’encens, priait des heures durant, récitait psaumes et suppliques à la Vierge. page 119