"Nous avons fait tous cela : fréquenté les chemins de l’herbe. De la maraude. De la chasse aux grillons, aux lézards, aux salamandre qui, les soirs de pluies transmuaient de leur or mêlé d’un noir humide les graviers des chemins. Nous avons tous volés des fruits dans de très vieux vergers,avec un délicieux sentiment de faute et d’impunité.
Ceux qui n’ont pas eu cette chance, qui n’ont pas eu sur leur tête le bleu couvercle du ciel alors qu’ils gravissaient les collines de leurs petites jambes, ou se baignaient dans des ruisseaux pleins d’écrevisses furtives, peut-être doivent-ils le faire maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, que l’os du monde ne les assomme d’un coup impitoyable. Peut-être doivent-ils essayer, imaginer la terre comme un jardin dont-ils seraient le gardien, l’explorateur et l’architecte, tâcher de retrouver en eux ce qui les émouvait, et faisait paraître le ciel plus pur, les nuages plus beaux, les étendues plus vastes, le temps plus long : une primitive innocence, une sorte d’heureuse respiration."
Extrait p25