Carnet de résidence de Jean Luc Raharimanana - chronique/1/

Dimanche 1er décembre 2013 — Dernier ajout mercredi 7 février 2018

Proposition


Retrouver la proposition d’écriture : TRACES DE LA RÉSIDENCE DE JEAN LUC RAHARIMANANA EN PAYS DE MASSIAC - Chronique /1/ en cliquant sur le lien


Les textes

Mercredi 6 novembre Tap-tap-tap, saute la petite fille aux bottes roses. Une pomme d’or brille au soleil puis ternit au crépuscule pour ne pas tenter les enfants qui attendent le conteur. Le conteur, Il a les cheveux dressés et le vent du Cantal y a trouvé une saveur malgache. Il a un instrument de musique qui le complète Il a derrière lui une forêt que chacun invente à sa manière. Il a l’art de mêler les phrases françaises, les murmures malgaches, la musique métissée : mélange de culture, joie sans mélange. Il a murmuré, il a crié, il a chanté, il a parlé, il a répété, il a joué de sa voix comme il joue de son instrument. Tap-tap-tap, la petite fille aux bottes roses accompagne le conteur.

Jeudi 7 novembre 16 heures : les pierres sonnent sous nos pas. 19 heures : les pierres sonnent sur les mots.

Il a un carnet qui ressemble aux anciens cahiers d’écolier. Il a écouté le vent, le paysage, le paysan, le pays… et les mots se sont posés sur plusieurs pages de son carnet.

Il a crée des sons, une musique de pierres, le musicien Il a crée des phrases, une histoire de pierres, le poète-conteur.

Gratte la pierre, tape la pierre, caresse la pierre Caresse les mots, crie les mots, creuse les mots Pierres et mots résonnent dans nos têtes.

Il a lu son texte sans regard pour les spectateurs et pourtant ceux-ci ont été envoûtés.

Créateur de sons, créateur d’histoires, connivence, complicité, complémentarité, harmonie de deux sensibilités Ils ont emmené les spectateurs dans l’ailleurs .

Bernadette


Nuages gris-jaune ou gris-bleu sombre défilent Sur le bitume, grappes de trois ou quatre bavardent Une passe avec pochette en tissu, elle collecte l’argent Contre le dessin d’une petite pomme ou d’une cerise sur la main

Il a le regard dirigé vers le sol Il a des vêtements unis gris Il a dans les mains un instrument inhabituel Il a des cordes grattées pour nous accueillir en musique Il a la tête relevée quand nous sommes tous installés

Derrière, un rideau noir referme S’élancent de grandes branches blanches écorcées Les regards tous même direction

Il a un beau sourire Il a un beau sourire communicatif Il a des syllabes rondes pleins la bouche Il a une voix qui prend le temps de dire Il a des instruments aux sonorités évocatrices Il a une présence

Le grattement des cordes qui sonnent Le décompte des sauts : une fois, deux fois, trois fois… En écho le frappé des galettes oranges sur le sol Dehors, tout petit quartier de lune se lève

Il a perçu les garçons qui chahutent avec leur galette Il a perçu qu’ils ne écoutent plus personne Il a concentré son attention sur eux Il a toujours des mots qui roulent dans sa bouche Il a toujours son sourire communicatif Il a terminé son conte

Il a proposé aux enfants d’essayer les instruments

Une assise à côté de son garçon Accompagne le galet frotté sur le dos de la grenouille Dans le hall, grappe de deux ou trois prolongent la discussion La salle se vide, les galettes oranges s’empilent, les chaises aussi Les câbles s’enroulent

Il a un regard bienveillant sur l’enfant Il a toujours son sourire communicatif Il a quitté son costume de scène Il a une chemise classique

Bascule de la nuit Feuillage plongé dans l’orange des lampadaires L’heure du dîner

igor


Mercredi 6 Novembre 2013 - Massiac

De grands yeux rieurs aux jambes galopantes bondissent dans l’entrée. Stop interdiction, le conteur se concentre. Des nuages noirs roulent au-dessus de la ville. Douceur du temps. Pommiers en pommes jaunes sur branches tarabiscotées poussent dans le jardin d’en face. Parking noir anthracite Une maman filiforme aux cheveux entortillés en chignon s’appuie nonchalamment sur un rebord de fenêtre du bâtiment Pôle Enfance Jeunesse. Trois enfants debout devant la porte d’entrée dévorent à grands coups de dents les boudoirs du goûter. Les yeux barrés d’une large frange, un garçonnet tient religieusement dans ses mains ouvertes en coupe une fine poche transparente où s’alignent sagement au garde à vous des boudoirs poudrés de sucre. Fillette en manteau noir se cramponne au cou de sa mère avec son doudou d’un rose mâchouillé. Des portes claquent, le parking se remplit, des mamans, des petits et des plus grands, ah ! un papa. Attente. Petite fille à la queue de cheval lèche un à un ses doigts chocolat et jette le papier de sa friandise dans la poubelle. Ça s’agite, ça s’agite, ça court partout, ça s’impatience. Polaire verte, survêtement noir, vestes en boule, tee-shirts par-dessus par-dessous, robettes qui tournent, se mèlent se démêlent dans un joyeux charivari De sages bottes noires vernies attendent patiemment.. Une pochette vert petit pois à pois blancs circulent et se remplit de quelques euros. Deux ronds noirs sur le poignet = entrée. Rassemblement désordonné, une polaire verte s’agite, main dans la main par petit groupe. Les enfants d’abord, chut ! Musique douce, visage éclairé, regard lumineux. Instant magique d’un autre ailleurs

Il a le port royal, un sourire bienveillant, accueillant. Il porte en lui la magie d’un ailleurs. Il a une crinière léonine brune fileté d’or et de lumière. Il a capté le rayon de lune qui filtre au travers des nuages noirs de la nuit. Il a revétu son habit d’enchanteur aussi doré que le pelage d’une gazelle . Il est assis, immobile, ses doigts agiles courent sur son sceptre musical , sa mélodie enchanteresse attire , hypnotise, calme, apaise les turbulences. Il a devant lui, assis à ses pieds des petits lutins attentifs, aux oreilles pointues. Il a l’aura, le charme, la puissance du lion calme et serein. Il règne par la parole Ses mots coulent comme du velours. Il a du rouge plein la bouche qui dégouline …….. en jus de fraise, de groseille, de framboise. Il a donné la tonalité . Il joue, il rythme, il raconte, il embarque dans l’univers rouge , rouge canaille d’une petite fille, il l’a protége, lui donne les mots clés pour survivre. Il a la grandeur d’âme de celui qui sait qui donne sans chercher un retour. C’est un être éclairé qui a vécu plusieurs vies. Il a une vieille âme dans un corps jeune et vigoureux. Il a marché longtemps, franchi des montagnes, traversé des océans, passé des frontières pour flairer , sentir, ressentir, entendre, écouter les murmures du vent, les mystères du monde. Il a sillonné tous les chemins de la terre avec son bâton de pèlerin qui s’est multiplié au fil des rencontres Il a taillé ses bâtons de route dans des essences d’arbres millénaires porteurs de la mémoire des peuples. Ces frères de route l’entourent, l’ensoleillent à chaque escale. Il a laissé son empreinte, sa couleur, ses mots courir dans les rêves des petits et des grands.

Gisèle


Il est venu cueillir le conte, ciseler l’histoire, filer la légende avec ses mots à lui, son histoire à lui, son enfance à lui, son passé de sables, de vents et d’Océan. Il est venu là haut, près de la pierre qui sonne, la Tintarelle, pour emmêler les sens, pour pétrir les mémoires, presser les souvenirs, pour enfanter le conte, celui là même qui comme l’eau, comme le vent, comme les sables, rassemble les non semblables, ressemble les divers. Conte. Musique et fable, légende et tintement, pour ne faire qu’un. Qu’un seul espace. Qu’un seul instant. Qu’un seul être. Conte. Souvenir universel, du plus loin que l’on se souvienne, du plus loin que l’on provienne. De là bas, loin, très loin, Il est venu là haut pour faire tinter la pierre. Et depuis elle résonne Et depuis on se le raconte…

Violette

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