Carnet de résidence de Jean Luc Raharimanana - chronique/3/

Vendredi 28 février 2014 — Dernier ajout mercredi 7 février 2018

Proposition


Retrouver la proposition d’écriture : TRACES DE LA RÉSIDENCE DE JEAN LUC RAHARIMANANA EN PAYS DE MASSIAC - Chronique /3/ en cliquant sur le lien


Les textes

L’érosion transforme les murs en ruines… étonnement des briques ! …et les pierres en sable. certitude des pierres ! Cycle du sable dans le creuset de la Terre. De ses mains, grâce aux jeux des cailloux, bientôt le bien-être. Devenir libre de son éternité, ensemble.

Nu, le scarabée de pierre offre son tatouage à la Terre parée des météorites, joyaux de l’univers. Il peut entendre, inscrit sur les blanches écorces, le message des collines. Langage universel des sourires jusqu’à l’éblouissement de l’âme.

Dominique


Plantée là, elle attend le passage du vent, de la pluie, de la neige qui l’usent, la polissent, la patinent, lui donnent son identité temporelle. Elle a la jouissance totale, elle, la pierre abandonnée d’être le centre d’autres choses qu’un fossile oublié. Elle contemple, un puis deux puis trois bouleaux tout frêle à peine naissant à la blanche écorce qui l’ont choisie pour être le cœur de leur histoire. Elle est au paradis !

Au milieu de la lande, la tour est triste et ravagée : « J’ai éclairé le monde du haut de mes murailles solaires et j’ai pleuré d’avoir vécu. La Tour Prend Garde n’a plus lieu d’être, je suis morte ». Souffle le vent, courent les nuages, elle reste là, immobile dans un clair obscur de détresse et de solitude.

Mais toi là-bas, à l’horizon, tu tournes toujours, virevoltes, tourbillonnes dans ta belle robe de tulle et de voile, légère et transparente , au milieu des lucioles. Ballerine infatigable, tu entraînes dans ta ronde le châle ondulant et rougeoyant du crépuscule des Dieux. Tu es l’espérance folle, la petite lumière de la boite à Pandore qui reste quand tout va à vau l’eau.

Gisèle


Un jour, on creuse on coule les fondations on accepte les jours de lumière et douceurs et les jours de grisaille et tristesse Vertical, on résiste à l’emportement des jours dans le défilé on est là, ancré tel une tour génoise

On se déploie

Irrigué de sève Traversé par les souffles de tous bords ils n’ont pas de prise Parfois, on s’oublie on assemble nos solitudes on est emporté on n’entend pas on ne se penche pas sur les voix secrètes la peau se plisse

On rêve de devenir cairn ou trilobite faire trace de notre passage pour ceux qui succèdent

igor


Une histoire qu’on raconte, celle du vécu ancien, sous des cieux qui s’écartelaient avant l’anéantissement final. Tu dansais mais la nuée emplie d’encre ne te distinguait plus et je te cherchais quand l’orage soufflait dans mon corps et dans mon cœur. Nous n’avions pas traversé la lande pour rien, avec nos compagnons de solitudes. Se poser, s’arrêter de penser. Se livrer solitaire à une cruche en verre où le vin se mire. Raconter cette histoire. Tout écrire, tout dire « In vino veritas » Laisser parler la mémoire avant que de défaillir. La mémoire des eaux, des pierres, de la sauvegarde et de la survie. S’accomplir, une fois, une seule fois. S’affranchir des formes, des illusions, des copies pour laisser les couleurs, les odeurs, les élans m’imprégner jusqu’à l’asphyxie. Du rose, du rouge, du vert, du gris, des couleurs de l’arc en ciel, toutes les couleurs de la Terre pour enthousiasmer le cœur et habiller l’âme.

Michel


On croit qu’arrivé au sommet, le monde vous appartient et déception il y a un autre horizon, un autre ailleurs avec des destinations que nous ne connaitrons jamais. Le sommet battu par le vent est lisse comme un crâne de chauve, brillant comme une pierre précieuse, vide de toute vie.

Pourtant là justement je touche presque l’infini, il faut que je dompte mon imagination pour ne pas me perdre. Je m’accroche à la terre et puis non, tout compte fait je m’accroche à un nuage, je pars vivre une autre aventure sans fin sur fond bleu ciel. Il n’y a rien de triste dans ce nouveau départ au contraire, j’ai la liberté de choisir mon nuage cheval et je pars loin très loin c’est exaltant, je ne ressens plus le sentiment de solitude que j’éprouvais sur la terre.

Le calme revient dans l’ouate de la nuit, les brumes de cette soirée sont une douce étreinte avec des bras immenses, ils s’offrent aussi à moi tendrement, doucement, tout est enveloppé et finalement tout s’endort à la fin cette chaude journée ; la nuit sera belle…

La bouteille est presque vide et à ce niveau là, je ne sais plus trop ce que je dis, ni ce que je vous ai dit, ni même ce que je vais vous dire ! Je me suis enivré et j’ai perdu un peu la raison, raison de quoi ? Raison de moi, peu importe, aujourd’hui j’ai raison et demain la raison l’emportera !… je serai à nouveau lucide, hélas !

Des murs, des murs pourquoi en mettons-nous partout ? Pour être sûrs que rien ne nous échappe, pour garder l’acquis ? Avec ces murs l’inné n’aura plus aucune expérience, nous n’aurons plus de spontanéité, comment nous affirmer et nous révéler ? Comment notre inconscient pourrait nous surprendre enfermés, isolés, cloisonnés derrières les murs du silence ?

Mon dos est rond, le mauvais temps, les coups durs m’ont contraint à me fondre dans le paysage. J’ai été pourtant le pilier d’un bel édifice mais de ce temps là, il ne reste plus rien, plus de décor, plus de beauté, maintenant j’ai d’énormes rides qui ont strié et creusé mon corps, offrant ainsi au temps une plus belle emprise pour me buriner encore plus profondément.

Maïthé


murs de séparation et de honte murs tragiquement sourds aux appels étrangers aux voix multiples du monde Tant qu’il y aura des murs l’avenir sera bouché

pour combien de temps encore ? Des éclats chauffés à blanc du soleil sur mon corps usé autre chose surgira- t-il ? Mais vous humains pouvez-vous déchiffrer ce que j’ai vécu ? regardez bien ma rondeur, lisse et douce cache des secrets imprevus imprévisibles joyeux, derviches dansants incontrôlés, incontrôlables Parfois sombres et tristes infiniment du bout du monde Fin de traversée Si je me pose, des questions vont m’assaillirent surtout des pourquoi des comment Alors ? Dois-je m’interdire tout désir sucré même si j’en meurs !? je sais qu’à la fin du crépuscule il me restera des regrets de ne pas de n’avoir pas avoir dit de n’avoir pas assez aimé

les regrets seront comme un ciel lourd pesant anéantissant tout autre inventaire toute vélléité de croire que ma vie la vie n’a pas été qu’un échec

Fin de traversée

Monique


Entre l’ordre rassurant d’un mur géométrique et le tas de cailloux bientôt colonisé par des plantes dites sauvages et par le scarabée tatoué, pourquoi choisir ?

Même si je mets des murs épais et résistants le soleil m’atteindra, me transpercera et m’emportera.

Le vent m’a polie, la pluie m’a usée le gel a tenté de me fendre, je n’ai pas résisté j’ai acquis la douceur et le soyeux, j’ai accueilli le lichen du temps je vis.

Entre mes membres se tissent des fils de soie, d’air et d’eau, tissus évanescent qui brille et fond avec le soleil. J’avale l’énergie de l’air, elle rebondit dans mes mouvements. Et en haut de la belle verte colline je valse avec le soleil. Mes mots partent dans le vent, s’atomisent dans le ciel moi aussi

et nul ne construiras une pyramide céleste pour garder mes poussières

VICTOIRE DE LA LUMIERE

Bernadette

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