Christian Bobin : L’Homme-joie

Mercredi 28 novembre 2012 — Dernier ajout jeudi 29 novembre 2012


L’homme-joie par Editionsiconoclaste

Un petit pan de ciel bleu. Voilà ce que nous offre Bobin en cette rentrée littéraire. Et même, il nous ouvre le ciel tout entier. On aura lu ici et là qu’il renouait avec le style narratif du Très Bas ou d’Isabelle Bruges, que les quinze « récits » qui composent son Homme-joie évoquent le père, l’épouse disparue, ou encore une gitane croisée au détour d’un jour de soldes. On aura noté que l’ouvrage contient des passages écrits à la main et , cadeau, le facsimilé des feuillets bleus d’un carnet manuscrit de l’auteur adressé à la femme aimée.

Oui, on a lu tout ça, on a lu l’Homme-joie, et voilà que les mots nous manquent. Comment parler après Bobin ? Tout est dit. Définitif. Essentiel. Il a, pour nous, convoqué Soulages, Gould, Bach. Il les a assis autour d’une table où l’on célèbre le mimosa, un petit chat noir, l’étoffe cramoisie d’une jupe de gitane, mais aussi les gestes simples, la vaisselle à la main ou l’enfant babillant à l’arrière de la voiture. Il a convoqué les Anges, dépositaires d’un silence où pudiquement, délicatement, vient affleurer une écriture simple, faite à la fois d’humilité et de profondeur.

Non, L’Homme Joie n’est pas une œuvre narrative. Ou du moins pas seulement.

Il y est question de la vie, de la mort ; il y est question de l’écriture consubstantielle de la lecture ; il y est question d’un paradis accessible ici-bas, dans la réconciliation avec une vie spirituelle où l’on place une gitane sur un trône ciselé à l’or fin, où les fleurs parlent et où l’eau mordorée du regard d’un cheval fait le bonheur de la journée. Le Christ sort de chez lui et Bobin sort de la cathédrale, Il raconte, se raconte. L’écrivain se fait penseur et le philosophe se fait poète.

« Ecrire, c’est dessiner une porte sur un mur infranchissable pour l’ouvrir » : vous l’avez ouverte pour nous cette porte, monsieur Bobin. Le mur était bleu, sûrement, comme ce morceau de ciel que vous nous offrez. Merci.

Valérie Baheux

Trois passages :

« Un livre est voyant ou il n’est rien. Son travail est d’allumer la lumière dans les palais de nos cerveaux déserts ».

« On peut traverser la mort à gué avec un seul poème en poche ».

« Deux anges couillus descendus sur terre pour remettre de l’ordre : Menuhinn et Oïstrack dans un vieux film en noir et blanc jouent un concerto de Bach. »

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