Christiane Veschambre : Fente de l’amour

Lundi 13 janvier 2014

En avril 2011, le texte de Christiane Veschambre, Fente de l’amour, accompagné des dessins de Madlen Herrström, paraissait aux éditions « Le Frau », petite atelier d’édition porté par Odile Fix. Ce livret est épuisé à ce jour.

FENTE DE L’AMOUR [1]

marcher avec l’amant pieds confiés au sol changeant glissent tous les lacs de lumière installation sans limites ( pas de cadre pour la marche avec l’amant ) regard glisse le corps dans la fente de l’amour ouïe glisse sur les murmures d’oiseaux travelling sur le fin silence la fin’amor de septembre

bord à bord l’amour le précipice qu’éloigne chaque pied confié au sol chaque voix infime tendue sur le silence

***

au clos de l’amour reçu roule la voix d’Esther "je fus de bonne heure au clos ce matin cueillir des haricots" passé simple du tous-les-jours balançant d’un sabot sur l’autre bouche essoufflée rieuse entre les dahlias rouges et droit rangés contre les vrilles de lianes et cosses roulent des promesses de nourriture pour la Faim déployée rassasiée

le clos sa traversée d’amour au-dedans du petit corps de vie déferlante son cidre et son blé noir ses calibotes et la bouche encensée par son lard gras

***

amour vaste bête tenue à distance pas tenue de tout son souffle auprès de nous de l’autre côté des hauts murs de parpaing entre lesquels on arrose le petit- vivre le petit-vivre a toujours soif craint le respir puissant et sourd de la bête amour qui rôde demande asile et ne saurait tenir entre nos murs

***

au chemin creux glaise et pierres demeure ma demeurée

m’attend

  • pas moi mais celle que la mort lavera

l’amour cherche une chambre en nous déambule dans nos appartements meublés parfois se fait notre hôte dans la pièce insoupçonnée mise à jour par le rêve creuse entre glaise et pierres un espace pour mon amour

n’ai que lui pour osciller comme la tige à l’avant de l’aube au respir de l’amour

  • la vaste bête qui tient contre elle embrassée la demeurée du chemin creux
***

les prendre dans ma gueule mes morts délicatement les tenir ainsi au plus près du souffle de ma basse langue lorsqu’elle se prononcera n’est-ce-pas ce sera chaud sur eux le souffle de la bête chérie

***

les lumières dans la nuit de l’après-midi ville la nuit comme une neige

épaisseur chaude savoureuse ton épaule me consiste

Christiane Veschambre, Fente de l’Amour, Le Frau, 2011.

[1nous regrettons que des contraintes techniques ne nous permettent pas de respecter les dispositions typographiques du texte d’origine, notamment les retraits en début de ligne, traces des souffles et des silences dans l’écriture de ce texte

Vos témoignages

  • michelle foliot 20 mars 2014 21:01

    C. Veschambre nous entraîne dans sa passion de l’écriture ; elle poursuit inlassablement, au bord du vide, son cheminement, étape après étape, entre chemins creux et demeure. L’écriture se fait « lumière », « voix », « souffle », « silence » et refuge. Elle oscille entre contradictions et équilibre, désir de liberté et oppression. A travers les chemins elle tente l’aventure, ; dans une demeure elle trouve la stabilité ; dans le clos elle se sent rassurée ; hors les murs elle aspire à la libération. Le terrain est tantôt changeant, fixe, rassurant, pesant. Sa déambulation est parfois hésitante, incontrôlée, parfois déterminée, lucide vers une sorte d’absolu. L’écriture est pour elle une raison de vivre, elle lui fournit « sa nourriture », son espace de vie, lui révèle l’amour de la vie. Son écriture est sensible, intime, énergique, angoissée, vivante.

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