Des mamans faisaient rouler leurs poussettes peuplées de petits Asturiens, des grands-pères plongeaient dans les flots des cannes à pêche au bout desquelles gesticulait un ver de sable, des enfants couraient avec à la main une glace dégoulinante, des préadolescents envoyaient des SMS sur leurs smartphones customisés. Envoyer des SMS : c’était devenu le geste universel. Le signe de reconnaissance de l’être humain. Les soixante-huitards qui nous avaient endettés avaient gagné : les gens n’avaient plus rien à se dire mais ils communiquaient. Sur Facebook, on trouvait des groupes de discussion « J’aime les frites » et « J’aime pas les juifs » et c’était presque égal. J’ai soupiré. Je voulais de l’air. Je priais pour la voir surgir de la brume d’été qui montait devant mes yeux, au loin. Mais elle ne venait pas. J’ai marché jusqu’au fameux spot de surf de la côte, baptisé « El Mongol » parce que les terribles vagues qui y enflent vont s’écraser contre l’enceinte d’un asile psychiatrique. Je me demande si ce bruit de l’eau qui explose contre les murs toutes les trente secondes est véritablement apaisant pour un cerveau malade….
Ch. Ono-Dit-Biot : Plonger- extrait p73- Gallimard