Claudie Gallay : L’amour est une île

Vendredi 3 mai 2013 — Dernier ajout mercredi 29 mai 2013
Claudie Gallay nous emmène avec des chapitres de 1 à 3 pages ,avec des phrase courtes au festival d’Avignon. L’année où il a fait si chaud, où les intermittents étaient en grève , où Mathilde devenue une actrice célèbre revient jouer dans la ville de son enfance.Dans cette atmosphère surchauffée, Odon avec sa compagnie met en scène une pièce d’un jeune auteur inconnu déjà mort et la soeur de cet auteur arrive en Avignon…. Des amours finis ou débutants, des passions , des amitiés se nouent et se dénouent s’esquissent et s’esquivent. Et se pose la question de qui donne vie à un texte de théâtre : l’auteur , le metteur en scène, les acteurs ou même les spectateurs ?

Marie sort lentement de la maison. L’escalier, la rue. Un enfant pousse son ballon le long du trottoir. Elle entend le ballon rouler sur le goudron. Elle le suit de yeux. Ça bourdonne dans sa tête. L’air est poisseux. la ruelle dans l’ombre. Elle marche. Il y a du monde rue Sainte-Catherine. C’est le milieu de l’après midi. Du monde aussi sous les platanes de la Place des Châtaignes. Elle entre au chien Fou. Le vaudeville se termine. Des costumes posés sur des chaises, un faux mur, un grand château. Elle entend rire dans une loge, des rires aussi derrière une cloison. ….

Marie a trouvé une grande boîte abandonnée sur le trottoir. Elle était posée à côté des poubelles. Une boîte en carton épais, avec le couvercle qui se rabat et une fermeture en métal. On dirait une boîte à chapeau. L’intérieur est lisse, capitonné de tissu à fleurs sombres. Marie l’emporte dans sa chambre. Elle la pose sur le matelas. Elle ne sait pas ce qu’elle peut en faire. Elle laisse la boîte, sans la toucher. Les croûtes de ses bras ont séché. Elle n’a plus envie de les creuser. Certaines sont tombées. Quand elle passe le doigt, elle sent la trace douce des cicatrices. Elle se dit que c’est fini, elle n’aura plus besoin de faire cela. La boîte est ronde, elle pourrait ranger des choses à l’intérieur. Pas des objets mais des choses qui seraient des mots précieux, et que l’on déposerait dans la boîte pour ne pas qu’ils se perdent. Elle s’approche de la boîte. Elle la regarde mieux. Sur la table du salon, il y a un grand cahier avec des feuilles et des feutres. Elle déchire une page. Elle écrit ça, en gros : Urne à pensées. Elle scotche le papier sur la boîte. Avec une paire de ciseaux, elle découpe une fente dans le couvercle. Elle découpe aussi des carrés de papier. Elle pose la boîte sur le banc de la place, à côté de la cabine. Elle met les papiers à côté, une pierre dessus pour qu’ils ne s’envolent pas. Un stylo. Elle laisse la boîte. Elle traverse la place, elle se retourne. En fin de journée, elle revient. La boîte est toujours là. Elle s’assoit sur le banc, elle la prend sur ses genoux. Elle secoue, ça bouge à l’intérieur. Elle soulève le couvercle, doucement. Il y a des dizaines de papiers, pliés, une feuille de platane et quelques flyers. (…)

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