(mais, en même temps, je pense que nous sommes mauvais juges du moment présent, sans doute parce qu’en réalité le présent n’existe pas, tout est mémoire. La phrase que je viens d’écrire est déjà un souvenir, de même que celle que vous, lecteur, venez de parcourir.)
Augustin Trapenard : C’est un peu comme un programme d’écriture et de lecture. Vous êtes tourné, littéralement, vers le passé…
Juan Gabriel Vasquez : Le passé m’a toujours intéressé beaucoup plus que le présent, les morts que les vivants. Et, le fait de me souvenir, c’est très important dans le roman. J’écris mes romans en partie pour me souvenir, pour que le roman marche comme une sorte de résistance contre l’oubli et contre notre oubli intime de ces évènements qui nous ont marqués. Sebald, l’écrivain allemand, disait que la mémoire est la colonne vertébrale morale de la littérature et je suis complètement d’accord.