(Petite 1)
Petite, j’avais souvent l’impression de voir sans être vue : il me semblait que ce corps petit et ce visage quelconque ne pouvaient attirer l’attention de personne ; sans doute, si l’on m’avait dans la rue adressé la parole, aurais-je été tentée de répondre : « Excusez-moi, je ne suis pas d’ici ».
(Petite 9) Petite, j’avais une tendresse particulière pour tout ce qui est petit sur la terre ; j’étais la mère des thomises, la soeur des cousins, la cousines des fleurs ; je n’en étais pas moins l’égale des grands ; la vie avait pour moi de grands projets.
(Petite 24) Petite, j’étais menteuse, un peu, par goût et par nécessité, et mes mensonges préférés furent ceux qui n’étaient pas utiles : à deux fillettes émerveillées je dis que ma tante savait fabriquer l’eau de rose et m’en transmettrait le secret ; cette affirmation leur suffit, bien sûr je ne la crus pas moi-même, mais elle avait semblé si vraie au moment où je l’avais faite, je m’en sentis grandie et comme auréolée, fière de posséder bientôt une si précieuse recette.
(Petite 32) Petite, à mon père un soir de chagrin (mon fiancé venait de partir pour l’Afrique), j’ai demandé la lune ; mon père ne sourit pas (j’étais toute petite, l’enjeu était immense) : sa promesse hésitante éclaira mon enfance ; elle ne fut pas trahie ; quand se leva plus tard ce souvenir, aussi loin que je pus sonder, je vis que jamais ne faiblirent ma confiance, ma certitude d’être comblée de lune : dans ce oui tout petit, à peine chuchoté, de mon père, la lune j’ai reçu.
(Petite 39) Petite, je devinais parfois ma chance d’être née dans une famille imparfaite : certains défauts - quelqu’un les incarnait déjà.
Florence Pazzottu : Petite, , Edition L’Amourier, 2001, pages 9, 17, 34, 44, 50.