Florence Pazzottu : Petite,

Mardi 20 mai 2014

Ces quarante-quatre Petites, écrites en marchant, sont des cristaux d’enfance vive saisis dans ma langue ; ce sont, incandescentes, les émotions-sensations-pensées de l’enfance, cristallisées et saisies, grâce au mouvement de la marche, dans une petite forme qui, par le sursaut qu’elle provoqua dans ma pensée et dans ma langue, les éveilla.Florence Pazzottu

(Petite 1)

Petite, j’avais souvent l’impression de voir sans être vue : il me semblait que ce corps petit et ce visage quelconque ne pouvaient attirer l’attention de personne ; sans doute, si l’on m’avait dans la rue adressé la parole, aurais-je été tentée de répondre : « Excusez-moi, je ne suis pas d’ici ».

(Petite 9) Petite, j’avais une tendresse particulière pour tout ce qui est petit sur la terre ; j’étais la mère des thomises, la soeur des cousins, la cousines des fleurs ; je n’en étais pas moins l’égale des grands ; la vie avait pour moi de grands projets.

(Petite 24) Petite, j’étais menteuse, un peu, par goût et par nécessité, et mes mensonges préférés furent ceux qui n’étaient pas utiles : à deux fillettes émerveillées je dis que ma tante savait fabriquer l’eau de rose et m’en transmettrait le secret ; cette affirmation leur suffit, bien sûr je ne la crus pas moi-même, mais elle avait semblé si vraie au moment où je l’avais faite, je m’en sentis grandie et comme auréolée, fière de posséder bientôt une si précieuse recette.

(Petite 32) Petite, à mon père un soir de chagrin (mon fiancé venait de partir pour l’Afrique), j’ai demandé la lune ; mon père ne sourit pas (j’étais toute petite, l’enjeu était immense) : sa promesse hésitante éclaira mon enfance ; elle ne fut pas trahie ; quand se leva plus tard ce souvenir, aussi loin que je pus sonder, je vis que jamais ne faiblirent ma confiance, ma certitude d’être comblée de lune : dans ce oui tout petit, à peine chuchoté, de mon père, la lune j’ai reçu.

(Petite 39) Petite, je devinais parfois ma chance d’être née dans une famille imparfaite : certains défauts - quelqu’un les incarnait déjà.

Florence Pazzottu : Petite, , Edition L’Amourier, 2001, pages 9, 17, 34, 44, 50.

Vos témoignages

  • michelle foliot 23 juillet 2014 17:00

    Ah l’enfance ! ce monde merveilleux, où chaque petite chose nous donne de la force, de la volonté pour continuer à tester nos aptitudes. Un monde à part, où précisément, tout en étant protégé, on a le sentiment de lui appartenir complétement , ce monde que les adultes ne veulent pas toujours approcher, parce qu’il ont vécu le leur ou bien l’approche avec délicatesse pour ne pas le dénaturer, car ils veulent préserver à la fois le leur et celui de leur enfance. Comment ne pas vouloir considérer cette période comme une chose exceptionnelle qui nous est donnée en toute innocence, spontanéité, pureté ; qui nous donne le pouvoir d’agir sans appréhension, laissant notre esprit aller où bon lui semble, sans donner une gravité aux choses au-delà de ce que notre âge peut comprendre ; ce que les adultes s’empressent de nous enseigner…La question du lendemain n’est pas posée même, puisque l’on a moins de risque à envisager. C’est un monde que l’on voudrait illimité dans le temps étant donné ce qu’il procure, gaieté, vivacité, curiosité.

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