Jacques Demarcq : Avant-Taire

Lundi 9 décembre 2013 — Dernier ajout jeudi 28 novembre 2013

Cour

Poule poule poule picoraient dans la cour puis couraient quand je les pour suivais attiré par cette chouette couette coquette de couveuse au cul large et balourd tortillant des froufrous Pompadour

Quand à décoller s’embirelicoquaient plutôt les ailes à dizigvaguer de gauche pas droite vers l’appentis l’ancienne écurie ou le potager l’appentis rempli de bûches transformé en cabane de rondins pour me défendre contre mes soldats de plomb en position sous le vaste noyer l’écurie avec son établi où je taillais ficelais des radeaux à voiles que je lâchais sur 2 m de pataugeoire pour les canards

La cour était un long roman de 50m au moins mais ç’a été surtout mon cours préparatoire de poésie à poules chasser des boules de plumes qui ont si peu l’idée d’un sens qu’elles les prennent tous à la godille Fallait commencer par attraper le rythme insinuer l’entortilleuse en des détours moins tordus puis l’accélérer zou entre le bac à canards et une brouette mise exprès devant le noyer pour la diriger vers le tas de fumier elle l’escaladait si dératée qu’emportée par l’élan elle perdait au sommet les pédales bataillait des ailes dans le vide et passait en poussant des couacs à fendre le mur à ce niveau précisément qui s’effondrait pour atterrir dans les choux et patates des voisins où dénicher sûrement quelque beau ver si grand-mère alertée par les couacs ne courait déjà récupérer sa volaille avant de me tirer l’oreille poétique à force

Coq cocottes confinés tous les soirs dans un recoin de la cour clos de grillage près des lapins dans un clapier à étages et du pigeonnier pour les canards j’en rêvais parfois dans mon plumard

Jacques Demarcq : Avant-taire, Nous, 2013, pages 48-49

Vos témoignages

  • michelle 11 janvier 2014 21:17

    Choisir le poulailler, un endroit à la fois clos et ouvert (la cour). Un endroit où l’on produit comme en littérature. Serait-ce pour cela qu’il a choisi le « féminin »(poule couveuse). A première vue le poulailler semble tranquille, organisé comme dans le roman : les personnages, le lieu, le temps, sont définis ;comme chaque poule qui a fait et trouvé sa place, les phrases se suivent en continu. Mais lorsque le poète y entre, il fait voler en éclats le genre, les mots s’entrechoquent, se dispersent, la langue s’envole. Il semble poursuivre la poésie sans jamais vraiment la saisir comme la poule lorsqu’on lui court après, fuyante, bruyante, se déplaçant en tout sens. Croyant ordonner les mots, c’st alors que tout se désorganise, se mêle, lui échappe, le perturbe. Il en perd la structure, l’espace, le rythme. Il est « déboussolé », son inspiration se bloque. Il ne souhaite plus qu’une chose, entrer en repos dans un lit de plumes.

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