Je suis en lutte perpétuelle. Je marche écartelé sur la ligne rouge qui sépare la marge de la page. Je m’y maintiens en équilibre. J’étends les bras. Mes pas sont encore mal assurés. Le vent menace à tout moment de me faire basculer. Je suis là-haut, tout là-haut. Je suis un funambule. Je serre les dents. Je sais qu’il faut que je m’habitue au danger. Je resterai sur cette ligne le reste de mon existence. Je dois la transformer en antre, en grotte, en caverne. L’embellir. C’est ma maison. C’est ma maison.
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J’écris des romans. Au début, c’était autant de planches de survie pour laisser les couleurs vivre encore. Quand les couleurs se sont stabilisées, j’ai créé les chemins que je n’avais pas parcourus. Je les dessine encore mentalement. C’est mon alphabet cabalistique. Je m’invente des dizaines d’identités. Je me place devant des dilemmes. Je résous mes équations. J’apprends à m’apprécier. C’est long.
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