Pourquoi, bon Dieu, désire-t-on une autre femme que la sienne, toute sa vie, sans pour autant faire le geste qui unirait la vie à son aspiration ? Tu vois d’ici l’existence chrétienne que j’ai pu mener, mon amie ; on ne doit certes pas convoiter la femme de son prochain, mais ce qui me frappe, c’est que je t’ai peut-être aimée, Helga (je ne me lasse pas d’écrire ton nom, Helga, ni de le répéter tout haut ; il caresse la gencive avant d’entrouvrir la bouche ), que je t’ai aimée pour vivre en fin de compte dans la souffrance et l’absence d’amour planifiée. La distance qui me séparait de toi n’a fait qu’attiser le désir de te rejoindre, mais dès que l’occasion s’en est présentée, j’ai baissé les bras sans vouloir rien sacrifier ! Je n’ai pas réussi à percer le mystère d’un tel comportement chez une créature qui est la seule à se réclamer de la raison. Je te le dis du fond du cœur, ma Belle, je ne suis plus qu’une vieille bûche vermoulue et pourrie gisant sur le rivage du temps, d’où le ressac m’emportera bientôt. Et nul ne pleurera ma disparition. C’est bien vrai ce que disaient les anciens : on devient lâche en vieillissant.
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