C’est pas comme un bijou mais ça se porte aussi, un secret. Du moins, lui, c’était parqué sur le front qu’il portait une histoire qu’il n’a jamais dite. page 6
[…] comme si elle savait que les mots il ne faut pas toujours les croire, qu’ils ne poussent pas au bout, ne disent pas jusqu’au ventre les vérités qu’on éprouve. page 14
Car on rentre toujours à pied. Pas parce que passé une heure il n’y a plus de métro et que ça obligerait à ça, la marche, mais parce qu’il faut ce moment où être seul un peu éloigne de la solitude, et vous ramène profond en vous, là où à creuser vous trouvez un espace de repos. page 17
Comme avec les belles choses quand elles vous étreignent. La douleur qu’on a dans l’émotion et qu’on trouve un peu idiote, d’avoir mal là où justement c’est la douceur qui prend. Et puis la joie à dire des souviens-toi, ces moments qu’on aime, qu’on appelle pourquoi, dans nos têtes, si de vouloir les partager c’est seulement conjurer le sort de les savoir derrière soi. page 31
Les mots dans ma bouche ne viennent de nulle part. Ils naissent sur la langue et s’évacuent tout de suite au dehors, et, dans le monde qu’il y a entre nous trois il y a ces phrases où je me tais, parce que ces phrases là ne parlent pas et ne disent jamais rien de ce qui voudrait surgir. page 45
Et moi j’ai dit que les gens qui finissaient comme ça, les gens qui succombent à une envie trop forte d’en finir, eh bien j’ai dit, tu sais, Céline, ce n’est de la faute de personne, je crois que personne n’aurait rien pu, rien su faire ou dire, tu vois j’ai dit, ça travaille trop l’esprit de ceux qui finissent par le faire, en secret c’est là tout le temps, ils retardent peut-être, parfois, à cause d’un truc qui peut arriver, puis un beau jour on ne sait pas pourquoi, ils se tuent. page 61
Leur seul enfant, c’était leur seul enfant et chacun à sa manière avait le sien, avait son enfant à lui, sa vision de lui, les mots de Luc que chacun d’eux n’entendaient pas pareils, comme si ce n’étaient pas les mêmes, comme si de tomber dans l’oreille de Marthe ou de Jean ça les transformait, les mots de Luc, en un langage que seule l’oreille qui les recevait pouvait entendre. page 65
Nous quatre ce jour-là, arrachés au bruit du monde. Nous quatre ce jour-là, cloués par ça : Luc, lui, il n’a pas comme Céline trouvé la voix qui lui aurait dit : les autres pays. Nous quatre ce jour-là on s’étaient levés comme d’habitude, et la journée comme les autres suivait son cours comme on dit, suivait sa route et tranquillement sa route allait vers l’heure de ce point où la vie plus jamais ne serait la même. page 99