Mary-Laure Zoss : Une syllabe, battant de bois

Jeudi 18 avril 2013 — Dernier ajout vendredi 19 avril 2013

La poétesse lausannoise Mary-Laure Zoss publie un nouveau recueil. Patiemment, elle creuse une œuvre singulière et sombre, comme un cri retenu. Lire Une syllabe, battant de bois, c’est pénétrer dans un paysage…

Parmi ceux-là qui parlent sur un fil, à la gorge leur retournant liasses collées de mots, et bredouillés ceux qu’ils s’extorquent à la fin, flot de cailloux froissant leurs os, on recommence, nulle part inscrits dans la pente

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hors tout visage, s’atteindraient-ils mieux ? et quel prix à leur retrait ? ni paillasse ni flamboiement pour aveugler la muraille, tandis qu’entre deux plaques de schiste ils descendent, où ils n’ont pas à destiner de parole ; occuperaient là toute cavité pour régler son compte à la peur - ce dû de leur présence ; les touffes de laîche s’arrêtent au bord d’un enfoncement terrestre, s’y enfonce un filet d’eau verte, eux, ne les rappelez pas, jusqu’à l’échelle métallique, rivetée au vide, leur force se ramasse en boule : d’ores et déjà tout perdre sur les couteaux de granit, ils ne se savaient pas posséder tant, en plein soleil, d’une de leurs poches retournées, ils ressortent un gouffre.

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Parmi ceux qui, même arrivés, en vain cherchent où arriver, malhabiles, et de leur main vivante aux calcaires clouent la laine, brûlent emballages et torchons de papier, doigts froids crochés au soleil, sur le vieux socle tirée la peau de leur nom, le pain sèche entre les veines de mélèze, eux rescapés pour une heure avide, ils enroulent une première nuit dans la couverture, ses rayures rouges

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Parmi ceux qui s’obstinent - tant de bâtons dans les verbes - à travers les ateliers de noire érosion, le déblai sans bruit d’un rythme, on recommence, d’un même écart piochant au fond d’une voix incertaine, et qui travaille arêtes et ravines ; parmi ceux-là on reprend l’acerbe venue au jour ; quand s’éclaire aux lueurs prises dans les traînées rousses une première syllabe ; une phrase aiguë de sorbes et d’éboulis, résolue à s’enfiévrer, comme un murmure, on l’étire à travers les aigrettes d’épilobe

Mary-Laure Zoss : Une syllabe, battant de bois, Cheyne 2012, pages 33, 36, 38 et 43.

[1cette séparation n’est un choix ni de l’auteur, ni de l’éditeur, mais notre choix pour marquer les différents blocs pages

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