Sylvie Germain : Magnus

Samedi 1er mars 2014

Prix Goncourt des Lycéens 2005

Tant pis pour le désordre, la chronologie d’une vie humaine n’est jamais aussi linéaire qu’on le croit. Quant aux blancs, aux creux, aux échos et aux franges, cela fait partie intégrante de toute écriture, car de toute mémoire. Les mots d’un livre ne forment pas davantage un bloc que les jours d’une vie humaine, aussi abondants soient ces mots et ces jours, ils dessinent juste un archipel de phrases, de suggestions, de possibilités inépuisées sur un vaste fond de silence. Et ce silence n’est ni pur ni paisible, une rumeur y chuchote tout bas, continûment. Une rumeur montée des confins du passé pour se mêler à celle affluant de toutes parts du présent. Un vent de voix, une polyphonie de souffles. En chacun la voix d’un souffleur murmure en sourdine, incognito - voix apocryphe qui peut apporter des nouvelles insoupçonnées du monde, des autres et de soi-même, pour peu qu’on tende l’oreille. Ecrire, c’est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au cœur des mots.


« I have a dream. » Les rêves sont faits pour entrer dans la réalité, en s’y engouffrant avec brutalité, si besoin est. Ils sont faits pour y réinsuffler de l’énergie, de la lumière, de l’inédit, quand elle s’embourbe dans la médiocrité, dans la laideur et la bêtise. Les coups frappés par le cœur d’une femme saisi d’épouvante d’amour avaient déclenché en May une volonté de total affranchissement, et un culot d’une vigueur inlassable.

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