Ouvrir, fermer. Chaque soir. Une porte. Un mot. Puis raconter aux gosses des histoires de chiens, de corbeaux. Ou l’inverse. Ils ne s’apercevront que d’une fatigue. On n’a qu’un peu de terre dans la voix. Pour s’y coucher. Avec eux.
Où je suis il n’est pas facile de t’écrire, d’entrer avec toi dans le cahier, pour le refermer, pour y être seul, avec toi. Ne serait-ce qu’un instant.
Chambre collective, à cinq lits. Mais nous sommes souvent davantage. Là : il n’y a pas d’intérieur. Mais des armoires. Et l’ennui de ces murs verts.
Où aller s’il suffisait d’aller ?
Le mieux peut-être est de rester là où nous sommes - et resterons - inconnus. Comme ceux qui n’attendent rien sous un platane. Ta lettre est ici où je n’entends plus que des mots ; où je n’ai que ce sel.
C’est une journée attendue : prendre ta main, rentrer à la maison, tout faire pour sortir de nos quelques pensées, s’en faire un lit. Mais surtout que l’acacia n’en sorte pas. Nous prenne pour un jardin.
J’ai reçu ta lettre. Ton écriture de gauchère. Rapide et tordue. Tu me demandes si ça va.
Te répondre est facile, j’aperçois toujours les mêmes prédateurs, les mêmes gens. Qui se dévorent les uns les autres. Dans la vase.
Thierry Metz : Lettres à la bien-aimée, Gallimard l’arpenteur, 1995, pages 14, 17, 20, 28.