José Luis Peixoto : Une maison dans les ténèbres

Lundi 14 avril 2014 — Dernier ajout samedi 12 avril 2014

Un monde : lugubre, mécanique et brutal. Dans ce monde, une maison - plongée un mois par an dans l’obscurité la plus totale. Dans cette maison, un narrateur - un écrivain. Il vit là, dans ces limbes étranges et sombres, reclus avec sa mère (silencieuse, immergée dans une immense douleur dont on ne connaîtra pas la cause), une jeune esclave dévouée, et une foule de chats. Il vit aussi avec la femme qu’il aime - à ceci près que cette femme n’existe pas : elle est en réalité l’héroïne du roman qu’il est en train d’écrire tout en luttant contre l’obscurité qui, chaque jour, gagne du terrain sur cette maison hors du temps. Entre les ombres d’une violence indicible, la fièvre de l’écriture et les lumières de l’amour désincarné, la frontière entre la création et la réalité s’estompe. Survient un ami voyageur, innocent radieux mais aussi porteur de récits chargés d’effroi et d’horreur, annonciateurs de désastre : la barbarie, l’agonie du monde… Livre hors norme, objet littéraire non identifié, joyau ténébreux d’un véritable surdoué de la langue, Une maison dans l’obscurité est une fable onirique et fabuleuse, inquiétante et incantatoire - le roman inouï et hypnotique d’un « voyant » de la littérature.

Un son, ou quelque chose comme un son, et qui existait, une chose vraie. Qui naissait, grandissait, vivait. Une chose vraie et infiniment belle qui se mouvait dans l’air de la salle. Une plainte. Une angoisse qui se transformait tout à coup en une grande allégresse. Qui marchait, courait, dansait. Un son de bonté, qui se muait en douce joie. Un son de gloire et de stupeur. Un son qui existait très, très fort L’air remplit d’un miracle invisible. Un secret profond, qui nous traversait. Une émotion qui se poursuivait jusqu’où l’on ne peut imaginer. La vie concentrée, répétée. Un moment auquel on n’était pas sûr de pouvoir survivre. Des réminiscences de vie et l’explication de la vie, simples. Le mystère le plus impossible et la révélation la plus claire. Des couleurs : blanc, bleu, vert, blanc, lumière, noir, bleu, ciel, blanc. Aucune couleur. L’eau. Le silence, parlant la langue de la transparence avec la voix des matins. Un son ou quelque chose comme un son, une chose vraie. Tout cela et rien de tout cela, c’était la musique.


Les deux mots les plus fréquents sur ces pages écrites avec son corps étaient amour et mort. Sur une ligne où ils se trouvaient côte à côte, je les regardai fixement et vis qu’ils se mêlaient. Au son du tonnerre criant toute la furie d’une souffrance noire, ces deux mots se mêlèrent devant mes yeux et sur la page, et les lettres changèrent de place : amour mort, amourmort ammoourt, maomrourt, mouratmort, mortamour, mort amour.

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