Julien Gracq : Liberté Grande

Jeudi 3 octobre 2013 — Dernier ajout mercredi 2 octobre 2013

Revue d’Histoire littéraire de la France Abstract :

Dans les poèmes en prose de Liberté Grande, le silence est une présence obsédante, chargée d’images et de significations. Le jeu des contradictions, des glissements, des rapprochements entre les images, le détail des paysages créent l’impression d’un désir du Silence parfait L’on sent alors que celui-ci est lié à l’attente de quelque événement, au pressentiment d’une révélation imminente, de très haute valeur. Par le jeu particulier du langage poétique Gracq peint, plus que le silence lui-même, ce qui en est comme la lisière et laisse deviner au-delà un espace ouvert, une sorte de perfection de solitude qui serait le lieu de l’absolu et le terme de la Quête.

Le passager clandestin pages 79/80

Quelquefois j’étais transporté sur un rivage démesuré de ville glorieuse, enverguée à l’air de ses mille mâts, criant dans l’air comme un geyser éteint ses cris figés de pierre, une pyramide haute de murs à la patine soyeuse où dans les rues du soir se prenait comme une glace au-dessus de la banquise de la mer le cristal noble de l’air sonore, et très loin par-delà les hautes murailles des trompettes calmes sans cesse protégeaient une solennité mystérieuse, - un port du large lavé des vents et dévasté par une mer où plongeaient rouge les soleils rapides, et là, couché au bout d’un môle, au ras des vagues penchées toutes et courant bouclées d’un seul souffle emportant, - sur mes épaules, les tours et les dômes dorés fumants d’une poussière de soleil dans le bleu exténué sous le harnais de la journée chaude, - fasciné par un songe salé d’embrun solaire et sur mon dos l’énorme gonflement de bulles de ces carapaces séculaires, les corridors de crime de ces millions d’alvéoles, les places désertes autour des statues de gloire et des spectres du grand jour, les porches des palais aveugles empanachés noir d’un claquement ténébreux d’oriflammes, comme un homme qui crie en plein midi - la ville aspirée avec moi dans le miroir débordant du soir se déhalait sur la mer dans un grésillement de braise, fendait l’eau d’une poitrine monstrueuse sous ses colonnes de toile, sur une houle de rumeurs et de silence sous le brouillard de lumière vivante et le buisson ardent de ses drapeaux.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9_grande

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