Paola Pigani : La renouée aux oiseaux

Mercredi 3 mars 2021

Comment l’espace, les saisons, la perte d’un enfant et de la raison nourrissent une langue sauvage pour dire la souffrance et la vaillance d’un corps promis à l’éboulement, au desséchement jusqu’à la renaissance fantasmée à l’intérieur d’un arbre ? (Note de l’éditeur)

Mon cœur me lance

Sur mon passage
les arbres se penchent
le ciel m’étreint

Je suis bleue d’impatience

Le vent se charge de moi
toujours


Je vais dans le jour
mes bras sages dans le sac de jute

Je colle mon œil ma joue
dans le creux de l’arbre

Dans le noir de son corps
j’entends des sanglots


J’enfonce les deux mains
dans le vide de l’arbre

Je fouille l’air
je fouille le noir
j’avale l’air
j’avale le noir
je mords ma bouche


Le soleil sur la chair froide de l’arbre
c’est l’absence qui bat
un soupçon d’être humain

Je sens le chaud sous l’écorce
là où remue un peu de lumière tendre

Pourtant le bleu du ciel
ne vient pas jusqu’à moi


Je suis face à l’arbre
mon guerrier de lumière
un oiseau posé sur sa blessure

L’entaille du temps

Je ne bouge pas

Dans l’ignorance
du nom de l’arbre
du nom de l’enfant

Je deviens analphabète

L’oiseau cache la misère

Paola Pigani : La renouée aux oiseaux, La boucherie littéraire, 2019, pages non numérotées.


D’autres extraits des recueils de Paola Pigani sont à découvrir sur le site des Tisseurs de Mots :

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