Roger Munier : Sauf-conduit

Lundi 10 mars 2014 — Dernier ajout dimanche 9 mars 2014

La poésie, pour moi, n’a pas de lieu prescriptible. Elle se lève et peut se lever partout où il y a un dire, en est l’imprévisible élan. D’autant plus poésie que moins elle se déclare et dit : c’est moi. Elle est l’âme de la prose, l’humus profond qui la sustente, lui donne son rythme, ses couleurs, ses images.

J’aime dans le concept son souci de clarté et d’ordre. Lui seul peut prévenir la poésie écrite d’être arbitraire, pure effusion incontrôlée. Mais le concept reste devant ce dont il est concept, dans une distance malheureuse et qui lui fait envier la belle fusion de l’approche poétique au sein du réel (…) Je sais l’apport du concept, mais ne peux me satisfaire de sa distance : à la limite, (il conviendrait de) traiter poétiquement les concepts.

La poésie met fin à la distance.

Que serait donc, idéalement, la parole poétique ? Celle qui ferait, dans la sobriété qui est le propre de la pensée nue, sa place au chant.

Peut-être même n’est-il pas de pensée accomplie sans un certain chant, celui des profondeurs, mental, parfois déjà affleurant dans le dire…

Roger Munier, Sauf-conduit, Lettres vives, 1999

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