Les ateliers d’écriture sont un des rares lieux fondés sur le don et le partage, dons et partages qui nous enrichissent et nous arrachent au passage à l’abjecte logique économique, ce qui n’est pas une mince satisfaction. Aussi ai-je voulu restituer ici la dimension collective du travail en atelier, tant de celui qui le mène que de ceux qui y écrivent, même si chacun écrit pour soi dans la quête de sa singularité.
Si la littérature est cet art que les hommes ont inventé pour partager l’impartageable, leur expérience humaine la plus intime, la moins dicible ; si la littérature est cet art né du langage dans la méfiance et l’amour du langage, alors mes ateliers d’écriture participent à la littérature - une littérature hors des pouvoirs qui prétendent encadrer l’aventure, distinguer ce qui en est de ce qui n’en est pas. Les ateliers sont le lieu où l’écriture est libre, vécue comme expérience à la fois intime et partagée, portée collectivement sans qu’il soit question d’édition : pourquoi le désir d’écrire devrait-il intégrer la production marchande ? Pourquoi le plaisir ne pourrait-il pas tout simplement se prendre ? On ne se pose pas la question pour la musique : il est admis et même valorisé qu’on la pratique en amateur, en famille, pour le plaisir…
Au moment des lectures, il importe de mettre en lumière toutes les inventions, tous les chemins de traverse explorés par les participants - même et surtout si le résultat est un peu raté : l’atelier, c’est un chantier. On n’y craint pas d’avoir les bottes dans la boue et la salopette crasseuse. Tout y est possible, y compris les tentatives les plus improbables : c’est ce qui en fait un lieu sinon unique du moins rare, irremplaçable.
Virginie Lou-Nony : Ce qui ne peut se dire, Actes Sud, 2014, pages 14, 19, 246.
Ce qui ne peut se dire, l'atelier d'écriture à… par basilicate