Charles JULIET : Lumières d’automne

Vendredi 27 janvier 2012

Ce que je suis ne m’intéresse pas outre mesure, et je voudrais tenir ce Journal sans avoir à parler de moi. Mais que dire de la vie si on ne la puise pas en soi, à le source, là où elle palpite, là où surgissent et se déploient émotions, sensations, impressions, sentiments, idées… Si je me proposais de dire la vie en me tenant hors de son flux, mes mots seraient exsangues, n’auraient rien à transmettre.

***

Quand on écrit, vouloir éviter le convenu ne doit pas conduire à avoir une écriture recherchée. Si parfois il me fallait choisir entre les deux, je préférerais me satisfaire du convenu plutôt que de verser dans le recherché, lequel a nécessairement un côté factice et maniéré.

***

Cette voix qui parle en moi, elle induit les mots que je couche sur le papier. C’est elle qui les choisit, les articule, leur imprime un rythme, leur octroie poids et couleur, les combine de telle manière qu’ils produisent une certaine musique. Elle naît en ce lieu où s’élabore la pensée, où cohabitent la douleur d’être, la conscience du tragique de notre condition, et également la joie d’exister, le bonheur de toujours mieux adhérer à la vie. Le heurt, mais je pourrais aussi bien dire : la fusion de cette douleur et de cette joie, a pour effet de me centrer, de me rendre plus grave, plus conscient de ce que je perçois comme étant l’essence de la vie.

Charles Juliet : Lumière d’automne - Journal VI, POL 2010, pages 96, 156, 162.

Vos témoignages

  • 9 avril 2012 21:07

    L’art d’écrire paraît inséparable de la vie et le sensible inséparable de la nature. C’est en elle que l’on se ressource, que l’on vit, que l’on s’épanouit. Elle nous renvoie ces « impressions » d’être, le visuel, le réel à travers ses couleurs, ses lumières, ses formes. Elle nous offre le rêve, la beauté, les nuances : tel arbre roux, telle eau claire, tel paysage dans l’ombre ou la lumière. Un paysage d’automne est à l’image de l’épuré, d’une végétation « découverte », l’eau y est prépondérante, c’est elle qui maintient et redonne la vie. Ecrire la vie, c’est, à l’image de la nature, dire, sans artifices, nos émotions, nos sentiments, notre vécu fait de contradictions - contrastes des couleurs, d’émotions, « flux de la vie » - mouvements des éléments, de la recherche de soi - « voix intérieure » : on y puise sa propre lumière. Peut être rapproché de l’idée de Nicolas Pesquès : « inscrire le poème dans le paysage » en arrimant « écriture et peinture » à la recherche du jaune pur, pas le vrai, le pur". Michelle

Revenir en haut