Christiane Veschambre : Robert et Joséphine

Vendredi 17 janvier 2014 — Dernier ajout mercredi 15 janvier 2014

quand Joséphine est apparue

sur terre personne

ne s’en est aperçu

son pays était de chemins creux

et de campagnes il y avait beaucoup de campagnes

et les villes étaient comme un autre pays

il n’y avait pas de robinets de radiateurs de frigos de radios (portables les seaux pour quérir l’eau aux puits)

il y avait la guerre une maison en terre des bonnes soeurs des rabines et du blé noir

il y avait Joséphine qui a continué à vivre sans qu’on s’en aperçoive

Joséphine que j’ai aimée mais pas assez

* **

à l’étage du vaisseau près de la gare Joséphine a sa chambre de bonne

à côté Robert a la sienne de garçon de café

le soir c’est facile c’est la vie même le vif des eaux bondissantes de se rendre visite

* **
Robert aussi

trop maigre ils avaient dit avant la déclaration de guerre

c’est bon ils disent aujourd’hui

à leur tour traversent l’esplanade pleurent dans l’air déchiré de la gare Joséphine et Robert

les jeunes mariés - vous savez le garçon de La Jeune France le maigre et la p’tite bonne

* **
C’est Noël

on fait la queue chez le boucher rose et blanc comme les rôtis qu’on ne peut pas acheter

viens ! dit Robert tout à coup en tirant Joséphine par la manche

quittent la queue file Robert court Joséphine derrière qui demande qu’y a-t-il ?

à la maison ouvre son manteau Robert et pose sur la table le gros morceau de veau rose et blanc attrapé sur l’étal

bouche ouverte Joséphine lève les yeux du veau rose vers le mince visage de Robert qui rit

ça alors ! dit Joséphine cœur battant pour celui qui a su voler ce qui jamais ne lui avait été donné

Christiane Veschambre : Robert & Joséphine, Cheyne, 2008, pages 13-14, 20, 24-25, 36-37.

Vos témoignages

  • Christiane Veschambre : Robert et Joséphine 1er février 2014 20:10, par michelle foliot

    De nos origines,

    « Naître » : c’est être reconnu, avoir une identité,

    « N’être » : ou être « rien » c’est l’absence de repères, c’est l’absence de croyances, c’est l’absence de désirs, c’est l’ignorance, l’indifférence d’autrui, c’est le doute de ses origines, c’est l’inutilité, c’est l’incapacité à vivre,

    « Etre » : c’est comprendre : QUI on est, POURQUOI on vit.

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