Quelques minutes plus tard, nous étions tous les trois assis autour de la petite table de la cuisine. Il y avait une toile cirée ; je le précise car j’adore les toiles cirées. Ça me rappelle mon enfance, mes grands-parents, un accès nostalgique aux jours heureux. On peut aimer un endroit tout entier grâce à un seul détail. J’étais d’emblée séduit par leur appartement, simplement en voyant la toile cirée. Plus personne n’avait de toile cirée. Les jeunes générations ne doivent même plus savoir ce que c’est. Je ne sais pas pourquoi je me focalisais si fort sur ce détail. Je me disais qu’ils devaient être heureux, avec cette toile cirée. Cela m’évoquait l’idée d’un bonheur stable, en lien avec les années du passé où tout était plus facile. La toile cirée, ça donnait envie d’écouter un transistor en buvant un jus de citron. Ça donnait envie de boire du café dans un petit verre avec un numéro inscrit au fond. Leur attitude était très cohérente avec la toile cirée ; les détenteurs de toile cirée sont tolérants ; ils sont du genre à accepter une visite nocturne impromptue. Michel préparait le café, et personne n’aurait pu croire que nous étions en plein milieu de la nuit.
« Un jour, je me suis réveillé avec une inexplicable douleur dans le dos. Je pensais que cela passerait, mais non. J’ai tout essayé… J’ai été tour à tour inquiet, désespéré, tenté par le paranormal. Ma vie a commencé à partir dans tous les sens. J’ai eu des problèmes au travail, dans mon couple, avec mes parents, avec mes enfants. Je ne savais plus que faire pour aller mieux… Et puis, j’ai fini par comprendre. »
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