Italo Calvino : Marcovaldo

Mardi 23 avril 2013

Quelques jours plus tôt, pour des raisons strictement personnelles, sa femme Domitilla avait acheté un lot de saucisses. Et trois soirs durant, Marcovaldo dîna de saucisses aux navets. Or, ces saucisses-là devaient être des saucisses de chien ; leur seule odeur suffisait à lui couper l’appétit. Quant aux navets, ces légumes pâles et fuyants, c’ étaient précisément les seuls végétaux que Marcovaldo n’avait jamais pu sentir.


A mesure qu’il montait, Marcovaldo avait l’impression de laisser derrière lui l’odeur de moisi du magasin où il manipulait des paquets huit heures par jour, et les taches d’humidité de son logement et la poussière qui flottait, dorée, dans le cône de lumière du soupirail, et les accès de toux de la nuit. Maintenant ses enfants lui paraissaient moins pâles, moins malingres, s’identifiant presque, déjà, à cette lumière et à cette végétation.

  • ça vous plaît ici, oui ?
  • oui.
  • pourquoi ?
  • parce qu’y a pas de flics, qu’on peut arracher les plantes et lancer des pierres.
  • et respirer, vous respirez ?
  • non.
  • ici, l’air est très bon. Les enfants se mirent à mastiquer :
  • penses-tu ! Y sent rien, il a pas de goût.
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