C’est que j’ai toujours le flair de savoir ce que cachent les gens, que c’est comme les antennes qui me poussent ou des moustaches. J’ai appris avec les bêtes. Quand je vais auprès de la bête, que je m’assois et que je la touche, je sens tout de suite dedans ce que la vache elle rumine : si elle a assez de foin, si elle a besoin de sel, si elle a les nerfs à blanc, rapport aux éclairs d’orage, ou si dans la tête elle a de foutre le coup de corne et qu’il faudrait en vitesse qu’on déguerpisse des jambes.
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Quand on y pose la tête contre, on entend toujours le vent et son jeu des petites vagues qui soufflent exprès des fois doucement qu’on perde le rythme, et que le silence qui dure long fasse croire que Vulve elle vit plus parce qu’elle a cessé les soupirs. Et petit à petit pendant que ça vague, pendant que ça souffle comme la brise, ça me souffle aussi en même temps que c’est du jamais qu’en toutes ces nuitées de mariage Paul a songé à mettre la lampe pour regarder comment ça fait quand Vulve elle tient les yeux clos, et peut-être la bave sur la joue.
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Bien sûr que je pige que si je tonne, Vulve elle aura les migraines, au lieu que si je parle en tendresse avec au bec la petite voix, de celle qu’on peut prendre quand une grosse elle a mis bas, ou bien de la douce qui caresse, quand le veau cherche où on tète, Vulve elle se croit aux anges, à se faire bercer aux cantiques.
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Vulve elle a une mouche qui lui chemine sur le bras, qui va deux fois sur le col et qui descend la poitrine et qui remonte et redescend et Vulve bien sûr elle ne sent pas, dessous la robe à dessins, et peut-être la mouche s’amuse à faire les fleurs, une fois autour, une fois dedans, une fois peut-être de traviole, et je chemine comme dans la lune avec les yeux sur la gorge, plus bien remplie, je devine, et plus trop bombée de volume, et je vais ainsi, la mouche en bas, la mouche en haut, la mouche au creux, jusqu’à ce que les yeux de Vulve lèvent et qu’ils me touchent dans les miens.
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Tous les matins qui se lèvent, c’est moi qui les mène au pré. Je laisse à nul autre le souci, à chaque naissance, de prendre le soin de la mère et du poupon. Il y en a qui mélangent, qui mêlent les bêtes toutes ensemble sans prendre garde qu’elles se jalousent, qu’elles s’en veulent comme des gamines qui se chiperaient les poupées pour jouer à la maman. […] Ils ont un carré spécial près de la ferme, plein de bonne herbe, de la verte claire comme du givre et bien solide, pour la mère reprenne des forces et vitamines et goutte du lait sain au pis pour son enfant, qui touche pas encore les touffes, que le soleil qui lui adoucit la toison.
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