Yves Regaldi et Ph. Aubert de Mollay : Tamberma

Jeudi 23 janvier 2014

« LesGensDe », collection inédite dans le paysage éditorial français, associe la photographie et le genre littéraire de la nouvelle. Mêlant subtilement la réalité et la fiction, les ouvrages de la collection « LesGensDe » sont de beaux livres d’histoires qui racontent des lieux et des gens. Chaque livre est l’œuvre commune d’un photographe et d’un écrivain. Partis ensemble à la découverte d’autres traditions, ils se sont nourris de rencontres, de différences, de vie et de légendes.

Tamberma est le premier l’ouvrage de la collection « LesGensDe ». Le photographe Yves Regaldi et l’écrivain Philippe Aubert de Molay sont partis ensemble pendant un mois à la découverte du Togo et du Pays Tamberma. Composée de 55 nouvelles et 90 photographies, Tamberma est une œuvre commune pour raconter leur voyage par deux visions, deux arts.

Qu’est-ce que tu cherches avec ton carnet de notes et ton appareil photo ? C’est quoi ton idée ? Que veux-tu découvrir dans ce rose-mauve des terres ? Tu es venu de si loin, pourquoi ? Pour qui ? Tu nous visites, c’est bien. On se demande ce que tu veux. La famille parle. Les gens font des suppositions, imaginent, se demandent. Pourquoi écrire des histoires et prendre des photographies ? Tu peux nous expliquer ? Eh regarde mon frère, un soleil hivernal s’est levé en caressant le ciel pâle et il va accomplir tout le travail : faire couler à flot l’encre de ton stylo et déclencher le clic clic de ton appareil photo. Tu n’as qu’à être là, voir, te tenir debout dans nos magies. Tu n’as qu’à.

Être un voyant.

La danse est prière, réjouissance, puissance et fidélité aux ancêtres. Tout brille sous nos pieds, lueur rubis donnée par les vieilles présences venues des profondeurs de la terre, c’est cadeau. Le monde du dessous entend ses enfants danser en haut et il aime le vacarme des vivants. La brousse ? Salle de bal géante ! Bien simple : c’est dancefloor !

Treize mille nuances de rouge. Nos danses deviennent les tiennes. La supérieure poussière pour peindre nos corps. Délices curieux de la sueur et du sang bouillant. Beauté troublante des femmes évitant nos regards. Les danses pour honorer la grande question posée à chacun : que faire de son désir de ne pas mourir ? Regarde de près les biens matériels : La ferraille peinture métallisée qui roule gros pneus neufs, les quinze ou vingt mille minimum à la banque, les assurances rapatriements et billets d’avion au chaud dans ton portefeuille, la sécurité, de quoi manger demain et après demain et le surlendemain. Jusqu’à ce que tu crois savoir de toi, jusqu’à tes peurs, jusqu’à tes succès et tes doutes, ce sont des biens matériels toutes ces affaires. Des petites choses, toutes petites. Utiles d’accord mais ne t’encombres pas pour si peu. Cesse de vouloir des objets et de fréquenter les chiffres. Respire sans payer ton air. Ramasse un caillou bien choisi et garde-le auprès de toi des années, il sera protection. Concentre-toi sur la grande question (devant tes yeux, la réponse du jour des Tambermas : on danse). Sur ceci, j’insiste : que faire de ton désir de ne pas mourir ? Dance Floor, pages 122-123

C’est ça le Pays : aller et venir. On entre à peine quelque part qu’on est déjà parti. Les pintades insupportables, les bœufs paisibles, les chiens faméliques, les moineaux délurés, les rares nuages, Lune et Soleil, les hommes, c’est toujours : aller de l’autre côté. Marcher. Pourqoi tu crois ? Construire un château dans la plaine et attendre les chasses d’hiver en montagne. Se réjouir de la bonne récolte et s’inquiéter de celle de l’an prochain. Etre dans un amour et déjà en désirer un autre. Vivre et mourir. Aller de l’autre côté sans cesse, c’est ainsi. C’est le Pays. L’an prochain, page 142

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