Les propositions précédentes… Semaines 3 et 4

Mercredi 15 avril 2020 — Dernier ajout lundi 27 avril 2020

Vous attrapez le Journal d’un confinement en cours de route… et vous avez envie de vous frotter aux propositions que vous avez manquées… C’est par ici !

Proposition du dimanche 12 avril :

En cette situation de confinement, je me considère comme un privilégié. Que sais-je de ce que traversent d’autres en ces jours confinés, ces jours de huis clos. Que sais-je de ce que vous vivez vous ? A l’intérieur de ce dispositif du Journal d’un confinement, on pourrait se laisser croire que nous vivons une expérience commune, comparable.

Nous nous leurrons. Chacun de nous vit un confinement singulier. État de santé, espace de vie, conditions financières, solitude ou présences multiples, apaisement ou tensions intérieures, chacun de nous vit un confinement singulier.

Comment faire trace dans notre journal de cette multitude de singuliers ? Comment écrire l’autre ? L’existence de l’autre ? Comment surtout écrire l’autre sans projeter ses propres sensations, l’écrire au plus juste de ce qu’il vit ?

C’est l’enjeu de la proposition du jour, difficile enjeu que nous ne réussirons pas forcément, se mettre à l’écoute profonde de l’autre pour lui donner voix. Nous allons téléphoner à une personne dont nous savons que ses conditions de vie sont assez différentes des nôtres. Nous échangerons. Nous écouterons cet autre, son existence au quotidien, avec une présence la plus sincère.

Nous qui écrivons, avons la fâcheuse tendance à nous centrer sur nous-mêmes, à capter, à collecter ce qui viendra nourrir nos textes. Combien d’auteurs se considèrent comme des voleurs quand ils saisissent chez les personnes qu’ils rencontrent la matière de leur personnage ? Ici, il ne s’agit pas de cela. Il s’agit d’écouter l’autre pour tenter de lui donner voix, de lui dédier une présence dans notre journal.

Nous écrirons donc un fragment pour dire les jours de cet autre. Nous tenterons de gommer les éléments personnels : identité, lieu d’origine… pour qu’il apparaisse non pas comme un cas à part, mais qu’il représente tous ces autres qui vivent autrement leur confinement.

Beau jour.

Proposition du samedi 11 avril :

Cette proposition a été fabriquée en entremêlant les pistes de Catherine T. qui vit dans le Val de Marne et de Véronique L. qui vit en Haute-Loire.

Et si nous regardions notre livre autrement. Et si nous prenions un peu de distance.

Plaçons-nous dans une pièce calme, assis confortablement, notre livre devant nous. Regardons sa couverture, sa (ses) couleur(s), sa taille, son odeur, son toucher, sa typographie, qu’est-ce que je n’avais pas vu de prime abord ? Le fond ? Un détail, une nuance, un symbole, une représentation, qu’est-ce que j’imagine comme son qui ferait harmonie ou dissonance avec cette couverture ? Qu’est-ce qui m’attire plus particulièrement dans sur cette couverture, pourrais-je être dedans, sous quelle forme, comment… ?

Nous vous invitons à faire cet exercice comme méditation, en se focalisant uniquement sur cette couverture.

Au sortir de ce temps, le temps qu’il nous faudra, nous notons ce qui nous est venu en pensée, sans faire de phrases, par bribes.

Puis, sur ce livre qui se révèle petit à petit, nous prendrons de la hauteur. Qu’est-ce qu’il me dit ? Comment résonne-t-il en moi ? Que vient-il soulever, heurter, questionner, saisir ?

On ne peut que très peu sortir ? Soit ! Nous sommes oiseau et nous nous mettons à planer au-dessus du nid de coucou qu’est notre appartement, notre maison, située dans son quartier, entre toutes les autres, dans son contexte. C’est ça, soufflons un peu, en regardant ça d’un peu plus haut.

A nouveau, nous notons toutes les images qui viennent, une nouvelle fois par bribes.

Nous tissons un texte de toutes ces bribes. En espérant avoir pris plaisir à ce petit moment d’envol.

Beau jour.

Proposition du vendredi 10 avril :

Et si vous commenciez votre journée à la découverte d’un nouveau blog du Journal d’un confinement, celui de Marina qui vit à Bruxelles, vous pourrez aussi refaire une visite chez les autres bloggeurs du confinement, c’est ici !

Nous allons retourner à notre livre dont nous lirons de la page 191 à la page 193. Au fil de notre lecture, nous noterons en vrac des visions. Visions présentes dans le livre ou que le livre nous fait imaginer. Nous tenterons autant que possible à nous en tenir à une trace, un signe, à ne pas trop déployer.

Parallèlement, nous pensons à une personne éloignée - peut-être à une personne qui manque – et, de la même manière, nous notons quelques visions de cette personne, visions à peine effleurées, présence d’un geste ou d’un objet.

Puis, nous entremêlons ces notes disparates pour en faire un texte unique. Nous ne précisons pas spécialement ce que nous entendons par « entremêler », il nous paraît plus intéressant que chacun fasse comme il lui semble juste à partir de la matière dont il dispose. Il ne s’agit pas non plus de tout reprendre et de tout refondre dans un seul et même texte, on choisit parmi ses notes, on se saisit volontairement.

On écrit le titre du texte du jour : « un rêve ». On relit et on ajuste légèrement le texte précédent pour qu’il se sente bien avec son titre. Aujourd’hui donc, un rêve dans un fragment d’écriture.

Beau jour.

Proposition du jeudi 9 avril :

La proposition du jour a été créée par Marianne H. qui vit dans les Ardennes.

Aujourd’hui, nous convoquons Arthur Rimbaud, poète aux semelles de vent, il en connaît un rayon sur l’ennui et la marche, sur la résistance et les invasions, à force d’arpenter des contrées familières et lointaines.

Partout en France, le soleil a fait éclater le printemps. Les fleurs sauvages inondent les chemins de couleurs et les teintes des façades des immeubles jouent avec les ombres. Et nous, en quelle couleur nous sentons-nous ? Quelle couleur nous habite, renvoyée par les paysages, les objets, les émotions, les souvenirs dont on est chargé ? Nous choisirons donc la couleur pour définir ce qu’on porte en nous en ces jours.

Nous lirons Arthur Rimbaud et son poème Voyelles – cliquez ici.

Arthur Rimbaud associe à chaque voyelle une couleur, nous allons retourner la relation et associer à la couleur que nous avons choisie, un son voyelle – un son voyelle, ce n’est pas simplement les lettres voyelles, c’est aussi les sons « on », « ou », « ai »…

Nous ferons collection de mots avec ce son voyelle, nous ouvrirons aussi notre livre au hasard et piocherons quelques mots supplémentaires avec ce même son voyelle. Puis, outillés de ce lexique et chargés de notre couleur, nous écrirons un texte pour dire combien nous sommes présents à ce jour. Un texte teinté et sonore.

Beau jour.

Proposition du mercredi 8 avril :

Un nouveau blog de Journal d’un confinement est à découvrir sur la page où l’on parle de journaux de confinement - cliquez ici.

Aujourd’hui, nous sommes à mi-parcours de ce Journal d’un confinement - même si il n’est pas certain que nous soyons à mi-parcours du confinement proprement dit - et cette affaire de moitié m’évoque une anecdote.

Lors de la fête du livre de Bron, en février dernier, était programmée une rencontre avec l’auteur britannique Jonathan Coe à propos de son dernier roman : le cœur de l’Angleterre - Cliquez ici. Au cours de l’entretien, la médiatrice de la rencontre pose la question suivante :

« J’ai regardé le nombre total de pages de votre livre, je l’ai divisé par deux pour aller à la moitié du roman et j’ai lu le chapitre qui se trouve à la moitié du roman. Je me trouvais au cœur du roman et ce chapitre raconte une partie de golf. Qu’est-ce que le golf nous raconte d’essentiel sur l’intrigue de votre roman, sur vos personnages, en quoi en est-il un cœur ? »

Réaction dans la salle, les auditeurs râlent et exigent qu’on parle littérature. Mais Jonathan Coe ne se démonte pas et il explique que la pratique du golf raconte la société qu’il cherche à décrire. Il renforce l’hypothèse de la médiatrice qu’effectivement, une partie de golf a à voir avec un point central de son histoire, avec le cœur battant de ses personnages.

Nous vous proposons de faire la même hypothèse avec votre livre, d’en chercher le milieu et de lire une dizaine de pages autour de ce milieu. Si votre livre est composé de chapitres relativement courts, ce sera facile, vous lirez le chapitre complet. Puis vous saisirez des éléments concrets de cet extrait et vous déplierez en quoi ces éléments ont à voir avec un essentiel de votre présence. N’hésitez pas à prendre des libertés, a priori cette piste pourrait inciter à aller vers un texte réflexif, pourtant comme nous sommes toujours sur cette forme fragmentaire, rien n’empêche une forme poétique ou narrative.

Impossible de savoir quand nous en serons à la moitié de notre confinement, cela ne nous empêche pas de pressentir ce qui s’y loge au cœur, le ou les essentiels qu’il révèle et que nous pourrions mettre en mots. En s’appuyant sur des éléments aussi trivial qu’une partie de golf, nous vous invitons à faire émerger ce ou ces essentiels. Cela fera un second fragment plus intime.

Beau jour.

Proposition du mardi 7 avril :

Comme mardi dernier, nous vous invitons avec cette proposition à un pas de côté, à revenir sur les jours et sur votre écriture quotidienne.

Dans un premier temps, nous vous invitons à relire votre journal depuis le début et à choisir un texte :

  • soit parce qu’il vous semble inabouti,
  • soit parce qu’il ne s’inscrit pas bien dans l’ensemble,
  • soit parce que vous n’avez pas de raison mais c’est celui-là que vous avez choisi.

Vous lisez ce texte une fois, ou deux puis vous refermez votre journal et vous allez faire une courte activité.

Vous revenez à votre table de travail et sans relire votre texte, vous l’écrivez. Il ne s’agit pas de l’écrire de mémoire, de le reproduire, il s’agit au contraire de l’écrire autrement. Vous ne savez pas comment c’est « autrement » ? Nous, non plus. Nous faisons le pari que si vous changez votre première phrase, ce qui suivra changera aussi. Vous êtes chargé-e de ce que vous avez relu, la suite de vos jours, et cela devrait suffire pour que votre nouveau texte trouve sa place au milieu de l’ensemble.

Puis, vous écrivez un deuxième texte, le texte d’aujourd’hui, imprégné-e de la langue au travail et des moments traversés en ce mardi.

Beau jour.

Proposition du lundi 6 avril :

Avant de commencer, cet entretien d’Emmanuel Laugier dans Télérama (à découvrir intégralement en cliquant ici ) qui nous dit quelque chose de ce que nous sommes en train de mettre au travail dans notre jour : L’immersion quotidienne dans le carnet suppose une endurance qui induit une attention vis-à-vis des choses environnantes, mais au lieu d’être décousue et intermittente, cette attention inscrit le travail quotidien dans une autre tension.

Cette proposition a été imaginée grâce aux pistes entrecroisées de Violaine C. qui vit en Haute-Loire et de Sophie B. qui vit dans la Drôme.

Une proposition moins dirigée que certaines, dans laquelle s’entremêlent beaucoup de matériaux parmi lesquels nous vous laissons faire vos choix, attraper ceux qui vous parlent davantage, pour tisser à l’intérieur votre texte du jour.

Covid19 nous oblige à porter des masques, masques protecteurs, masques barrières, masques derrière lesquels on se dissimule. Les rencontres physiques ont été remplacées par des rencontres virtuelles, on se connecte par pseudo, on entre tout un tas d’identifiants et de mots de passe, là encore autant pour se protéger que pour se dissimuler. Derrière le masque et le pseudo, le corps physique disparaît, s’invisibilise.

Ainsi, on installe un bouclier et, plus ou moins consciemment, on dissuade de la conversation, de la relation, de la rencontre. À l’inverse, parfois, la protection du masque nous autorise à nous révéler, à dévoiler un part d’intime. « Je me souviens d’une dame peintre, une grande artiste qui s’appelait Marcelle et signait parfois Ellecram… »

Patrick Modiano, dans Encre sympathique – cliquez ici – écrit : « Peut-être au détour d’une page, apparaîtra peu à peu ce qui a été rédigé à l’encre invisible… »

Aujourd’hui, nous vous invitons à inverser les choses. Nous commencerons par prendre une photo – ou par choisir une photo des jours précédents – et à la considérer comme un masque ou comme une encre sympathique. Cette photo porte en elle-même ce que nous avons à dire du jour, elle cache ce qui nous traverse, nous questionne, nous amuse, nous tord le ventre…

Puis, nous apposerons en vis-à-vis, un court fragment, comme un écho, qui agira presque comme un révélateur – et c’est le presque qui est essentiel – non pas en imposant le sens de la photo mais comme le produit utilisé en photographie argentique, en marquant les contrastes et les formes, fait apparaître les masses physiques qui s’y dissimulent.

Beau jour.

Proposition du dimanche 5 avril :

Cette proposition a été initiée par Marion L. qui vit dans les Hautes-Alpes. Elle reprend une proposition faite par Hervé Bougel (Pré # Carré éditeur) à divers poètes :

« C’est un jeu, la liste des choses à faire avant de mourir, conçu jadis par les Oulipiens (invention de Jacques Bens qui en avançait, lui, 50 dans sa liste). Georges Perec se prêta à l’exercice. Il conclut sa liste à 37 choses, peut-être en référence aux 37 chapitres de son livre W , et peut-être aussi parce qu’il eut 37 ans le 7/3/73, ou peut-être pas.

J’ai proposé à des camarades d’établir leur propre liste des 36 choses à faire…Pourquoi 36, et pas 37 ? Je l’ignore, ce chiffre s’est affiché d’emblée dans mon esprit, (36 étoiles, 36 chandelles ?)  »

Nous vous invitons à établir, avec le recul aiguisé, habité-e par le sentiment de manque ou de frustration (toute valeur se développe dans un système de pénurie !) que confère cette période de confinement, votre propre liste de choses à faire avant de mourir (le moment ou jamais de se projeter dans le temps rêvé du déconfinement).

Combien de choses à faire ? Nous vous laissons le choix d’en définir le nombre… à condition de le définir avant de commencer à écrire. C’est aussi une invitation à se laisser porter par la symbolique du nombre. Et si ce nombre déterminait votre vie post-confinement ?

Ne nous torturons pas trop la tête quand même ! Beau jour.

Proposition du samedi 4 avril :

Hervé Gardette, journaliste à France Culture, observe le quotidien du confinement. Le 22 mars, il écrit un article « Le monde à nos fenêtres » - cliquez ici.

« (Dans La recherche de Marcel Proust) Léonie, la grand-tante du petit Marcel, ne sort plus de chez elle, bientôt plus de sa chambre, d’où elle suit, tant bien que mal, par la fenêtre, la vie du village. Une ancienne domestique, Eulalie, lui sert de petit rapporteur, délivrant quotidiennement des nouvelles fraiches de Combray.

Depuis que nous sommes nous aussi assignés à résidence, comme la tante Léonie et comme ma grand-mère, nos fenêtres sont redevenues des petites lucarnes sur le monde. Bien sûr, aujourd’hui, il y a la télé et la radio, les séries en streaming et les réseaux sociaux. Le téléphone. Mais notre lien avec l’extérieur passe désormais, pour une large part, à travers ces cloisons transparentes.

J’ai donc observé mes voisins. Ceux qui sortent quand même, un panier à la main, prudents. Ceux qui pressent le pas pour rentrer, ceux qui grattent quelques secondes supplémentaires. Ceux qui n’ont jamais autant couru de leur vie… Et ceux qui restent chez eux. »

Nous vous invitons donc à saisir le monde par vos fenêtres et nous en ouvrirons trois : la fenêtre physique, celle de notre maison, de notre chambre ; la fenêtre écran, celle de notre ordinateur, téléviseur ou téléphone portable ; celle de notre livre. Pour chacune de ces fenêtres, vous écrirez un court fragment d’une chose vue, perçue, ressentie, imaginée. Vous obtiendrez donc trois fragments différents.

L’écriture des fragments pour les fenêtres physique et écran nous semble assez simple à percevoir. Pour la fenêtre livre, nous lirons de la page 178 à 180 et nous extrairons une vision, une image, réellement présente ou suggérée par ces pages lues pour écrire notre fragment.

Nous vous invitons à travailler votre écriture pour que les images se brouillent légèrement, qu’il ne soit pas si évident de retrouver l’origine de chaque vision : ce fragment est-il bien celui de la fenêtre-écran ?

Beau jour.

Proposition du vendredi 3 avril :

La proposition du jour au titre évocateur de Configrammes est fabriquée par Cécile L. qui vit dans le Val d’Oise.

Où lisons-nous ? Où écrivons-nous ? Avons-nous essayé dans notre cuisine ? L’écriture, c’est toute une alchimie …

Nous vous invitons à parcourir votre livre entre les pages 214 et 218 – nous n’avons pas encore beaucoup visité les pages « deux-cents » - et nous saisirons une phrase de ces pages. Nous nous rendrons en cuisine pour extraire le suc de cette phrase (garder juste l’idée, réserver un ou quelques mots).

Pendant que nous la laissons infuser dans son jus, nous nous imprégnons des « Poèmes de Paix et de Guerre » de Guillaume Apollinaire - voilà pourquoi les pages 214-18 – avec cette vidéo :

Nous allons prélever quelques ingrédients parmi ces poèmes qui pourront épicer, assaisonner notre écriture.

Puis, nous frotterons notre préparation au discours d’Emmanuel Macron :

« Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre nation. Mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale ». (source Libération)

Nous vous proposons d’écrire un texte, peut-être juste un paragraphe, un fragment qui raconte cette popote intérieure frottée à la poésie d’Apollinaire et aux paroles du président. Puis nous laissons reposer un temps (celui d’une chanson, d’une musique par exemple).

Comme on pétrit son pâton, nous malaxons nos mots, étalons, étirons nos phrases. Ensuite, à l’emporte-pièce (ou pas), nous exprimons notre texte par un dessin pour créer un paysage, un objet, une trace comme sur du papier sulfurisé… nous réalisons ainsi votre configramme.

Beau jour.

Proposition du jeudi 2 avril :

Un fléchissement. Nous avons basculé. J’en ai la sensation intime, quelque chose à bouger, presque d’un seul coup, au moment de passer en semaine 3 de confinement. On a franchi un cap : l’excitation, l’agitation, la frénésie de faire pour se sentir malgré tout vivant, tout cela s’est apaisé, presque éteint. Aujourd’hui, nous sommes en mode « habitude », on répète, on s’installe, on gère. C’est exactement cela : on gère. C’est plus froid, plus quotidien, plus normal. On s’est même habitué à tout : à la flambée des nombres, aux devoirs des gosses, à faire avec Covid. On s’est même habitué à ne pas savoir. Les échéances. Le verdict. La libération.

Dans le journal aussi, on a basculé. Pour certains, le plaisir du début a perdu la saveur de l’extraordinaire. Pour d’autres, l’urgence d’investir est moins vive puisqu’on s’habitue à tout finalement, même à l’inquiétude. Pour d’autres encore, le journal a pris une place quotidienne, il vole de ses propres ailes, presque.

On a basculé et cela renforce ma conviction que maintenant… il faut tenir. Tenir les jours mais aussi tenir journal. Pour soi. Pour ne pas oublier qu’on les a vécus ces jours, pour ne pas oublier ces moments de bascule. Pour soi. Pour ne pas céder à l’habitude : non, il n’y a rien de l’habitude dans ces jours où personne ne vit comme avant. Et pour certains, c’est encore pire. Pour soi, parce que c’est ça écrire : s’accorder du temps pour soi, pour donner du sens à vivre, s’autoriser à tenir.

A. Gellé - ’si je suis de ce monde’ page 24

C’est avec la poète Albane Gellé que nous écrirons aujourd’hui. Dans Si je suis de ce monde, elle écrit une série de fragments commençant par « Tenir » et finissant par « Debout ». D’autres extraits sont à lire en cliquant ici.

Dans un premier temps, nous vous invitons à prendre appui sur cette forme. Nous écrirons un premier fragment qui commence par « tenir » et qui finit par « journal ». Puis nous écrirons 4 ou 5 autres fragments qui commencent par « tenir » et se terminent par « debout ».

Dans un second temps, nous allons coudre ses fragments ensemble pour ne former qu’un seul texte. Coudre signifie que l’on peut déplacer des blocs, en supprimer, ajourer, ajuster, remplacer, transformer, ajouter… Nous vous invitons à faire confiance assez à l’énergie des fragments, c’est-à-dire à transformer et ajouter au minimum.

Une dernière contrainte : nous conservons le « tenir » initial et nous supprimons tous les autres « tenir ». Pour les « debout », chacun décide de les supprimer tous ou d’en conserver un ou deux (mais deux c’est un grand maximum).

On a basculé et vous le sentez même dans la formulation de la proposition. Tenons. Et passons une belle journée.

Proposition du mercredi 1er avril :

Une rapide information pour commencer, le Journal d’un confinement, dans sa forme actuelle, se terminera au plus tard le dimanche 3 mai – ou avant si le gouvernement décide de la fin du confinement d’ici là.

La proposition du jour a été inspirée par Isabelle F. qui vit dans l’Allier.

Chacune et chacun de nous passons d’un jour à l’autre, d’un état, d’une envie vers une autre. Aujourd’hui, laissons-nous aller à la rêverie, à l’évasion… Nous vous proposons de savourer le nom des fleurs… Grande digitale ou doigtier / Adonis d’été ou goutte de sang ou œil de faisan / Lotier corniculé / Millepertuis perforé ou herbe à mille trous / poivre des murailles / benoîte urbaine / Linaire commune ou chasse-venin… Chacune ouvre un univers à elle toute seule.

Alors, pour commencer, vous allez choisir une fleur. Comment ? à l’aide de ce site qui répertorie les plantes sauvages – cliquez ici.

Sur la gauche de l’écran, vous trouvez une liste de plantes et vous pouvez la faire dérouler vers le bas, l’inventaire est immense. Vous choisirez l’une de ces plantes pour son nom et dans un premier temps, vous ne cliquerez pas sur ce nom. Vous noterez toutes les associations d’idées que ce nom fait surgir en vous. Par touches, vous dessinerez en creux le portrait rêvé de votre fleur.

Dans une seconde étape facultative, vous pouvez cliquer sur le nom de la fleur, elle apparaît alors sur la partie droite de l’écran. La vision de votre plante vous suscitera peut-être d’autres associations d’idées et vous les ajouterez à votre première liste.

A. Velter - poème dans ’l’amour extrême’ page 20

Après le décès de sa compagne, Chantal Mauduit, André Velter lui écrit une série de blasons. Le blason est une forme poétique en vers libre qui fait l’éloge d’une partie du corps féminin.

Nous vous invitons à écrire un blason en l’honneur d’une personne, d’une figure, importante aux yeux de la présence de notre livre (présence1). Nous introduisons donc une seconde présence (présence2). Cette présence2, c’est peut-être un des personnages du livre et vous l’avez rencontré au cours de vos promenades dans les pages lues précédemment. Ce peut aussi être un phantasme, un fantôme, une figure mythologique…, cher à votre présence1. Notre blason fera donc l’éloge d’une partie du corps de cette présence2 (qui peut être féminine ou masculine) et votre écriture se nourrira de votre collecte d’évocations autour du nom de votre plante.

Récapitulons en espérant ne pas vous avoir perdu en route : écrire un blason pour faire l’éloge d’une partie du corps d’une seconde présence du livre, en intégrant les évocations de votre plante.

Beau jour.

Proposition du mardi 31 mars :

Aujourd’hui, pas de proposition. Pas de proposition mais le journal continue.

Comme souvent dans les cycles d’ateliers d’écriture, on se laisse porter par les pistes proposées, on écrit, on est content-e d’avoir écrit, porté-e et encouragé-e par les propositions.

Au fur et à mesure des séances, on collectionne des séries de textes aux formes différentes, un patchwork réjouissant à l’intérieur duquel notre propre écriture ne trouve pas toujours sa place.

Aujourd’hui, vous écrirez votre jour en prenant appui sur tout ce qui s’est écrit les jours précédents – et si vous avez rejoint l’aventure très récemment, eh bien, choisissez parmi les propositions que vous avez manquées. En relisant vos premiers jours de confinement ou en choisissant une ou deux pages au hasard dans votre livre, vous trouverez certainement ce que vous avez à écrire aujourd’hui.

Non, ne croyez pas que l’on vous abandonne. Nous sommes simplement certains que vous avez en vous de quoi écrire le jour.

Beau jour. Et demain, promis, nous revenons avec une proposition plus habituelle.

Proposition du lundi 30 mars :

La proposition du jour a été fabriquée par Marie-Dominique S. qui vit en Saône et Loire.

Depuis le 16 mars, Wajdi Mouawad écrit et met en voix son journal de confinement que l’on peut écouter au jour le jour (lien à la fin de la proposition). Wajdi Mouawad est le directeur du théâtre de la Colline mais il est surtout un auteur de théâtre contemporain et de roman. Son théâtre ne laisse aucun spectateur indifférent et nous avons lu et particulièrement aimé « Anima » - cliquez ici.

Jeudi 26 mars, il écrit, il dit : « Il était une petite, une toute petite boucle d’oreille, tombée par inadvertance dans les couvertures défaites d’un lit et pour la retrouver il a fallu avec attention, avec douceur, avec délicatesse, déployer toutes les couvertures pour regarder à l’intérieur de chaque pli. Et nous cherchons encore, car ce qui a glissé là, dans les plis, est si minuscule, si fragile, ton sur ton avec la couleur du tissu, que nous ne le trouverons que par hasard, à condition que ce hasard surgisse avant le jour de notre mort. Ainsi, il s’est perdu dans les plis. Voici peut-être l’un des mots de nos jours, de nos jours de maintenant. »

Plus loin, il dé-plie encore un peu sa pensée autour du mot « pli » : « le pli est un mot riche et multiple… tout autour de nous se plie sans cesse, les choses se plient, les corps se plient, les peaux se plissent, les âmes souvent aussi et les liens que nous entretenons les uns avec les autres. Ces derniers n’ont jamais été autant pliés qu’en ces jours qui réclament d’autant plus de douceur et de fraternité. Tout est froissé dans la peur et l’impuissance. »

Il y a 3 lettres dans le mot pli, voilà pourquoi nous lirons trois pages : 116, 117 et 118. Nous serons aux aguets, nous y chercherons une petite, une toute petite chose et, par les mots, nous essaierons de le déplier, de le déployer, de le dérouler peut-être aussi de le froisser, de le ratatiner, de le contusionner…

Puisque le mot pli est peut-être l’un des mots de nos jours, sans doute qu’en dépliant notre toute petite chose, nous dévoilerons quelques invisibles de ces jours de maintenant.

Nous vous invitons à attendre d’avoir écrit avant d’aller écouter Wajdi Mouawad, vous accéder au podcast de son journal de confinement en cliquant ici. Aucun doute qu’il y ait dans cette voix, chaque jour, de quoi nourrir votre écriture…

Beau jour.

Et si vous avez manqué le début… Pas de souci, retrouvez les propositions précédentes en cliquant ici !

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