Croquis de souvenirs

Autour des BD d’Arnaud Quéré
Vendredi 29 mars 2013

Découvrir l’univers et l’œuvre d’Arnaud Quéré


Comment passer de la “BD Belge” à une BD plus intimiste, autobiographique ? Du croquis à la forme BD ? Désir d’explorer le croquis intimiste et quatre éclats d’enfance, en écho à l’univers d’A. Quéré : un lieu, un portrait, un jeu, un rêve

Partage d’extraits de deux albums d’Arnaud Quéré, parmi les plus récents, "L’an 2000" et "Un air de paradis" Ces extraits se tissent avec des bribes de la prose poétique de Joël Vernet, "Rumeur du silence", et de Georges Perec, "W ou le souvenir d’enfance"

La proposition


Tracer quatre croquis avec des mots. Ne pas entrer dans les détails, mais par petites touches, laisser apparaître le lieu, le portrait , le jeu, le rêve d’enfant. Écrire et esquisser comme lorsque l’on voit une photo et qu’elle nous fait remonter une ambiance, un fait précis, des morceaux de vie.


Textes

De Rolande

I.- « L’enfance est un rêve d’enfant » Régis Jauffret

Sonnent les cloches des carmélites voisines… Quel mystère recèle donc ce grand parc derrière le mur de pierre d’où émergent des arbres séculaires ? Rythmes qui habitent un rêve errant d’enfant… Elles vont à Rome pour Pâques, une fois l’an… Les cloches ont-elles des ailes ? Partir avec elles… Rome, ville éternelle…ça veut dire quoi ville éternelle ? RO ME… deux syllabes contiennent alors le monde Le monde s’entr’ouvre Roma città aperta plus tard le monde s’ouvrira tout grand

II.- Jardin

les fleurs des poiriers à Pâques les grands canas et les dahlias plus tard les pommes de terre et les haricots verts le vert des salades pommées et le rouge des fraisiers c’est un jardin parfumé où vieillissent des rosiers où l’enfance a cru prendre racine Couleurs en déshérence…

III.- Gaby

Il arrive jovial sur son vélo solex noir Après le repas du soir le coiffer allonger quelques restes de cheveux sur son crâne lisse et un peu gras passer aux oreilles en couper délicatement les poils en broussaille Il est mince et petit le Gaby un poids plume un paquet de nerfs aussi à son retour du match de rugby Avec son tablier de jardinier il sent bon la terre fraîchement bêchée et ses fraises à peine cueillies c’est le paradis, paradis d’enfance.


D’igor

I. Assis sur la troisième marche en partant du haut le soir, tous les soirs de l’heure d’été entre vingt heures et la nuit avec le journal ouvert sur les genoux le mégot de petit gris au coin des lèvres il est là disponible à chaque minute

Le père le rejoint ils causent de comment le monde tourne mal de comment les jeunes font autrement l’enfant voudrait en être de ce moment-là, ce moment d’adultes et quand il y est il s’y ennuie

II. Deux silhouettes de l’autre côté de la combe enfantines au verso de la fenêtre elle regarde insiste pour comprendre le sens de ces déplacements ondulations zigzagantes dans le vert le mouvement de deux ombres en lisière de pré succession de courses accélérations ralentissements les éclats brillants du fer blanc qui passe d’une main à l’autre glisse sur le sol roule reprend son envol

au verso de la fenêtre elle observe encore allers et retours d’un ovale pot au lait ballon pesant pour le retour de la ferme de ses enfants

III. Vous vous demandez le lieu de l’enfance lequel se serait Ils ont défilé de déménagements en déménagements et se sont effacés impérieuse nécessité pour ne pas regretter ce qui s’était perdu Reste la dernière chambre petite resserrée comme un cocon contre le lit la grande fenêtre plongeant sur le parking la lumière des phares entre chien et loup et le papier peint alternant d’un mur à l’autre entre vert et saumon

IV A-t-il vécu sans rêve simplement pétri de désirs ? a-t-il vécu sans excès sans folie sans incroyable ? n’a-t-il jamais regardé l’inaccessible ? habité par l’urgence d’avancer un peu plus haut par l’ambition de toucher un peu plus avant par l’exigence de poser le pas suivant un peu plus loin il ne sait il ne souvient alors aujourd’hui se dit juste Allons !


De Véronik

I. Bac à rêves

On creusait. Le sable sec était mis de coté. On arrivait vite au mouillé. On creusait jusque la terre. On en sentait l’odeur avant de la toucher. On lissait de nos mains. C’était poisseux, sur nos doigts, nos cheveux. Le bac à sable devenait bateau. Nous voguions, nous naufragions parfois, lui à la barre, moi, l’équipage, le mousse, le second. Je menais le vent, le large, les voiles. A quatre heure je criais : Mémé, lance moi mon casse-dalle ! Dans son papier d’aluminium, il tombait du 2 ème étage. On le mangeait comme une ration de survie, avec appétit.

II. Un immeuble

Vous avez l’image d’un immeuble, mais ce n’est pas celle là. C’est un village. Entre ces murs, des ouvriers- des gens de même sort- des simples. Des enfants. Autour de l’immeuble, de l’herbe, des champs, un univers. Pendant huit ans, j’en ai arpenté tous les recoins. De la cave, à chaque appartement, les coins aux mûres, aux escargots, les jardins ouvriers, les disputes, les premiers baisers, les genoux écorchés, mon pépé et ma mémé, une enfance heureuse et envolée.

III. L’instit

Il était grand, barbu, instituteur, en CE1. J’aimais sa douceur, J’aimais son regard, sur moi. Celui qui mettait en valeur mes histoires fantasques, mon univers intérieur.

Il faisait quelque chose de très agaçant. Dès qu’il me rencontrait dans les couloirs, dans l’escalier, il me tirait les poils des bras que j’avais sûrement très long pour une petite fille. Un jour, il ne m’aima plus. Ce que je cru. J’étais de garde de cochon d’inde et une de ses bêtes avait disparu. J’étais coupable et je le suis toujours.

IV.

Un dos iI fut un dos Longtemps. Puis une pension alimentaire et puis, un père pour les autres

Il fût celui qui tuait les chats dans les WC Qui pétrissait la pâte du pain Qui au coude avait la maladie de la farine

Il fût lâche coureur de rêves d’amour de jupons

Il est sur une île de chimères Qu’il y reste


De ThIAN

Lieu d’en France

Le balcon donnait sur la mer. A gauche au loin, on apercevait le Sacré-Cœur et ses cloches à fromages. Montmartre nous narguait. Les soirs d’hiver, un fleuve de lumières dévastait le calme des avenues, emportant tout : les petits chats aveugles, les cabas à roulettes, les tickets de métro pliés, les cahiers d’écoliers, les casquettes et les bouteilles de vin. Il ne restait plus que les demi-dieux de fonte, apaisés et satisfaits d’avoir imposé leur loi électrique. Seuls des chiens perdus et de sombres fêtards leur riaient au nez jusqu’à l’aurore.

Vos témoignages

  • Véronique SIGNES 30 mars 2013 19:19

    Je veux juste dire que j’aime beaucoup ce que chacun a écrit. :-)

Revenir en haut