L’été d’Elliot Cloud

Mercredi 16 juillet 2014 — Dernier ajout mercredi 7 février 2018
Pour pénétrer au mieux dans l’été d’Elliot Cloud, il vaut mieux lire le printemps avant, c’est un petit conseil d’amie 🙂 On retrouvera aussi les aventures de M. Gaston avec plaisir…

Sous un soleil de plomb

- Hé bien, mon gars, qu’est ce que vous faîtes là ? - Ah…..Monsieur Gaston…..La voix de Cloud, hésitante, tremblante, pas gênée, plutôt abattue. - Je…. - Il pleut -…oui - Elle est pas là la p’tite dame, c’est ça ? - …..Oui c’est ça…enfin, je ne sais pas…sa voiture est là…. - Ah oui ?…bon….vous me fileriez pas un coup de main pour enlever mon tracteur embourbé dans le pré de la dame Blanche…. Peut être que d’ici là, elle reviendra la p’tite dame ! - Peut être, oui…. - Vous savez, moi comme dame, j’ai connu que la Louise….

Ellie, toujours crispée derrière la porte, retient son souffle encore un peu tandis que les pas s’éloignent. Puis lentement, libère la tension qui a emprisonné son corps, retrouve l’usage de sa main ankylosée par la position qui cette fois l’a laissée exsangue pendant une demie-heure. Avec la chaleur qui en plus a happé le pays ces derniers jours et malgré l’orage qui gronde au dessus de la colline, malgré la pluie qui continue à frapper la verrière de l’entrée dans un crépitement sourd, malgré les recommandations qu’elle s’était adressée, en colère contre elle même, qu’elle n’était plus une enfant, qu’il fallait qu’elle se confronte à Cloud , chaque semaine du mois de juin, chaque fois qu’il était venu tambouriné à sa porte, chaque fois qu’il avait prononcé son prénom à travers la porte, qu’il lui avait dit, : ouvre moi Ellie, ouvre moi, je veux juste te parler Ellie, Ellie, s’il te plaît…je sais Ellie que tu ne peux pas, tu connais la vérité, mais tu ne peux pas……Ellie, je sais que tu ne pourras jamais mettre en doute la parole de ta fille, parce qu’on ne sais jamais, parce qu’il restera toujours entre nous cette interrogation…et si c’était vrai ?…c’est ce que tu penses, Ellie…..Ça fait quatre semaines que les flics viennent presque tous les jours, ils sont venus arrêter Solo car on l’avait vu plusieurs fois avec Elsa. Tu te rends compte, Ellie, Solo ! C’est pas des anges Ellie….mais tu sais putain que Solo n’a rien fait…

Elle l’entend glisser contre la porte, s’asseoir sur la première marche, heurter sa tête contre la chambranle.

Comment Cloud pouvait-il être si sûr de ses gars ? Elle avait vu le nouveau traîner en ville avec ce regard salissant les femmes qu’il croisait. Il regardait une fleur qu’elle se fanait instantanément, avait penser Ellie. Comment Cloud pouvait-il faire confiance à ce genre de type ?

Au moment où elle n’en pouvait plus, au moment où son corps allait lâcher prise, Mr Gaston était intervenu. Mr Gaston avec son sourire rassurant de St Bernard avait le chic pour arriver à des moments opportuns dans l’histoire compliquée d’Ellie et de Cloud.

Lorsqu’il y a trois ans presque jour pour jour, ils avaient décidé de faire un pique-nique, sous un soleil de plomb, ils cherchaient un endroit adéquat, une ombre propice. Six ans qu’ils se connaissaient, se côtoyaient. Cloud l’ami de la famille, l’ami de toujours de Fabrice, le mari d’Ellie. Il était revenu sur les terres de son enfance après quelques années d’éloignement, de boulots ingrats, de galères, la prison, la prise de conscience, l’envie que d’autres s’en sortent, l’héritage de la maison de son grand-père… Fabrice avait une totale confiance en Elliot Cloud, il n’avait pas douté un instant de lui, il lui avait tendu la main…après l’accident de Fabrice, il avait été là pour ELLES…et… petit à petit, subrepticement…

- Cherchons un arbre, ce pommier là-bas…

Sous le pommier, la première chose qu’elle avait faite, passer la main dans les cheveux de Cloud. Ellie ferma les yeux…elle alluma une cigarette…sûre que Mr Gaston allait occuper Cloud une bonne partie de l’après midi, plus trop besoin de se cacher, enfin.

Ah oui, Monsieur Gaston ! Ce jour là, sous le pommier, cet été si chaud, il était apparu au moment où…

- B’jour les jeunes, vous auriez pas vu mes chiens par hasard ?

Peut être était-ce un signe ? Ce genre de choses venues du ciel pour vous dire que vous alliez droit au mur, un mur de souffrances, de solitude.

Ellie pleure, ses larmes roulent d’abord sur le bord de sa cigarette, sur ses lèvres tremblantes pour finir saler les bords de sa bouche… pourquoi Elsa, sans un mot, rien…Elsa qui frôlait toujours les bords dangereux des précipices avec son petit sourire en coin :

- Regarde, maman, regarde, je ne tombe pas….je fais mine…

Avec Elsa, Ellie vivait dans l’angoisse permanente du drame. Qu’allait elle encore inventer ? Qu’avait elle inventé ? Qu’était-elle entrain de subir ? La mort de Fabrice, ces deux années de doute et de tentative d’oubli et puis maintenant ces quatre semaines angoissantes. Où toutes les éventualités étaient possibles où l’ on ne pensait qu’au pire. Ellie pleurait et à l’intérieur le vide se creusait… Elsa, Cloud, des images sordides, des amours… impossibles.

Et Elliot Cloud sous la pluie chaude de ce début d’été avançait dans la boue en ce posant les mêmes questions.

Un amour fou ne se remplace pas Ne s’efface pas Ne s’oublie pas Un amour fou ne meurt jamais Un autre amour fou lui succède C’est tout. Et nous sommes faits de tous ses amours fous, De leur coexistence, de leurs strates, On aura beau creuser en nous, on ne trouvera jamais que de l’amour fou.

André Breton.

peinture de Vanessa Katz

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