Oubliées, les feuilles mortes

Lundi 20 octobre 2014 — Dernier ajout mardi 21 octobre 2014

Oubliées les feuilles mortes…

CHRISTELLE ramasse ce matin les dernières framboises dans son jardin et quelques pommes tombées à terre, sans oublier les feuilles sèches et racornies dont elle n’entend même plus le bruit. Machinalement, elle fait et refait les quelques gestes qu’elle connait par cœur utiles et indispensables avant les premiers frimas de l’hiver… Son esprit est ailleurs… Il est resté là-bas, agrippé à la paroi de l’Himalaya.

Elle est à nouveau seule…

« Si seulement, je pouvais, je repartirais sans hésiter une seule seconde… Je troquerais sur le champ ma vie d’ici morne et bien trop consensuelle contre une autre, celle d’ailleurs , celle de là-bas, celle de ce monde en pierre, en apparence hostile et minéral mais si doux, si chaleureux et si tendre avec LUI dans mes bagages , LUI qui fut avec tant de plaisir mon guide d’un été, et même plus : tout à la fois, MON IMMENSE AMOUR et MON ANGE GARDIEN… ».

Mais pour l’instant : retour à la maison. Regard circulaire autour de moi. « Je ne retrouve plus ce qui autrefois me comblait de bonheur : ambiance de ferme, maison de terroir ; toit de chaume pentu pour ne point retenir la neige et mettre notre existence en danger ; cheminée au doux parfum de sapin pour réchauffer mes sombres soirées d’hiver ; le coq qui chantait aux aurores et me faisait office de réveil matin pour m’approcher, les yeux à peine entrouverts d’un bon bol de café fumant… Tout me semble étrange. On dirait que la très belle peinture que j’ai laissée en partant a, pendant mon voyage, perdu sa plus belle part de magie et de lumière…..Je ne perçois plus désormais que des murs horriblement vieux, gris et défraîchis, signe avancé d’une existence au seuil de sa déchéance. Serait-ce un signe ? J’ai beau écarquiller les yeux, je ne comprends même plus le sens de cet habit verdâtre qui les masque par endroits si ce n’est pour mieux dissimuler les premiers fendards de la fin et encore moins celui de cet amas de paille jaunie qui les recouvre sans but au point de ne pouvoir même se résoudre à se moderniser… Le tout planté dans un décor lugubre et insalubre bordé par les rives d’un grand lac occupé par une myriades de batraciens aussi bruyants que gluants… Quel est ce drôle de regard ? N’est-ce que celui de la FEMME que je suis sur son logis, ou est-ce autre chose ? Un regard sur toute la réalité passée de ma triste existence ? Hier, lumière, joie et bonheur….Aujourd’hui, regrets, douleurs et souffrances… Comment se peut-il ? Un simple voyage cet été, une douce amitié m’aurait enfin ouvert les yeux ? Désireuse d’aller plus loin dans ma réflexion, je m’aventure, un peu tremblante à l’intérieur……Mes yeux se posent alors sur ma bassine en cuivre qui me rappelle un instant le plaisir odorant des belles confitures d’antan ; à l’étage, la salle de bain remplie de faïences aux accents d’autrefois m’arrache encore quelques douces émotions mi figues-mi raisin, mais le lit en bois, sans que je puisse rien y faire, me plonge en une seconde dans un torrent de larmes et l’édredon épais et moelleux que je chérissais tant n’y peut, à cet instant, absolument rien changer… pleurer… pleurer encore et toujours, des jours et des heures durant : plus de dehors, plus d’ailleurs, plus de coq ; juste une immense béance laissée par une non moins immense absence….Tristesse d’embrun, chagrin de gamin, lettre d’adieu écrite à la plume d’âne, refuge d’une louve solitaire parce que profondément blessée et déçue, vérité dure à avaler , certitude qu’il n’y a jamais de fumée sans feu, rancœurs remâchées, déchets accumulés ; espoir retrouvé, lucidité regagnée, force récupérée, envie d’avancer… déménagement envisagé. »

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