fin de matinée

Lundi 4 août 2014 — Dernier ajout mercredi 7 février 2018
Vous avez déjà partagé un soir de Baptiste et une journée fleurie de Patrick… Vous pouvez retrouver ces textes avant de passer avec eux-deux… cette fin de matinée…
  • Bonjour. Patrick de la société Entregel, nous livrons des produits surgelés à domicile, je ne sais pas si vous connaissez nos produits…
  • Non mais vous savez…
  • Oui, je comprends. Je peux peut-être vous laisser notre catalogue.
  • Oui… enfin non. Merci.
  • Vous savez, ce n’est pas un engagement. Je vous le laisse et vous le lisez tranquillement… Patrick remet le fameux catalogue à Baptiste. Il a glissé une branche de genet comme marque-page. Les pétales jaunes tranchent avec les couleurs pastels de la couverture.
  • Vous entrez boire un café…
  • Non, vraiment, c’est gentil mais…
  • Si, si, venez. Ça prendra cinq minutes. Patrick regarde sa montre. Baptiste se dirige déjà à l’intérieur. Il comprend qu’il n’a pas d’autre solution que de le suivre. Il sort la clé de sa poche et appuie sur la télécommande pour loquer la serrure de son camion.
  • Vous savez, d’habitude, je ne m’arrête jamais boire un coup chez les clients, sinon…
  • Vous savez, d’habitude, je ne fais jamais rentrer les démarcheurs chez moi. Dans sa voix, Baptiste avait un sourire rassurant de St Bernard, un sourire qui mettait à l’aise. Dans la cuisine, on entend simplement le frottement du filtre que Baptiste insère dans la cafetière et la poudre de café glisser le long des parois. Il enclenche le bouton sur marche et se retourne vers Patrick. Toujours le même sourire. Patrick lui esquisse aussi un sourire, il ne sait pas quoi dire.
  • D’où vient cette branche de genet ?
  • De Margeride.
  • Elle est superbe. « Pour sûr, même les côtes de porc chez Entregel ne sont pas à la hauteur… ! » C’est la blague maison ! Celle que les livreurs Entregel ne manquaient jamais de se faire dès que l’un d’eux s’extasiaient sur une chose ou une autre. Patrick avait envie de rire de sa boutade, pour décoincer cette situation étrange… Que fait-il là, assis dans cette cuisine, à attendre un café chez quelqu’un qu’il ne connaît pas et qui n’entre pas dans la clientèle cible de Entregel.
  • Merci, dit Patrick pour trouver une contenance.
  • Vous ne pouvez pas imaginer ce que m’évoque ce jaune. Son intensité. Et ses lignes qui parcourent toute la plante. Je voulais vous remercier de ce cadeau-là.
  • Si cela vous fait plaisir… Patrick regarde les mains de Baptiste qui servent le café, ces mains qui prennent appui sur la table quand il s’assoit. Patrick saisit la petite cuillère que Baptiste lui avait préparée. Il fait mine d’accorder une grande importance à tourner le café dans la tasse. Il n’ose pas lever la tête. Il n’ose pas regarder Baptiste.
  • Depuis quelques temps, je me sens happé par le vide de mes journées, happé par les kilomètres accumulés, happé par les phrases pré-fabriquées à répéter, happé par les objectifs de chiffres à atteindre… Un jour, j’ai commencé à laisser une petite trace à mes clients, une toute petite chose pour éclairer la journée. Au début ça a été des narcisses, puis des violettes et maintenant du genet. Alors ce que vous venez de me dire, là, ça va remplir ma journée. Les kilomètres vont me paraître plus légers. Baptiste regarde Patrick. Comme pris de court. Cet homme vient de lui offrir un cadeau et il le remercie de l’avoir apprécié. Il sourit une fois encore.
  • Belle journée, dit Baptiste en raccompagnant Patrick à son véhicule. Patrick démarre le camion. Baptiste le suit des yeux. Il lui fait un signe de la main. C’est la première fois qu’il salue un inconnu venu le démarcher.

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